La musique d’A Filetta est une traversée… On pourrait dire qu’il s’agit d’une proposition vocale polyphonique contemporaine exigeante, audacieuse, issue d’une puissante tradition orale.
C’est en 1978 que de très jeunes gens – parfois adolescents, mus par une volonté farouche de contribuer à la sauvegarde d’un patrimoine oral en plein déclin – se sont mis en route… et leur route aura été longue, parfois sinueuse mais jalonnée de découvertes et de rencontres exceptionnelles. Les chanteurs avouent d’ailleurs volontiers que « la rencontre » est inscrite dans leur ADN musical. C’est ce qui explique probablement qu’ils n’aient pas voulu circonscrire leur voyage au périmètre de leurs racines : poussés par les rivages d’une tradition reçue en héritage, ils se sont très vite ouverts à d’autres : autres territoires, autres disciplines, autres artistes (interprètes, compositeurs, metteurs en scène, chorégraphes).
Le répertoire aujourd’hui produit par ce sextuor vocal, est un fidèle reflet de ce qu’est, depuis le début des années 80, sa marche en avant : une trajectoire esquissant un mouvement initié dans une oralité séculaire et s’affirmant dans les méandres d’une écriture décomplexée et affranchie de toute obligation filiale ; s’y côtoient des chants sacrés ou profanes aux influences diverses, des musiques de film de Bruno Coulais, des compositions pour des chorégraphies de Sidi Larbi Cherkaoui, des extraits du chœur d’une tragédie antique ou encore des pièces issues d’un requiem commandé par le festival de Saint-Denis.
Une musique au service d’une vision du monde rejetant sans ambiguïté tout repli identitaire et dont la philosophie pourrait se résumer à ce bel aphorisme de René Char : « Les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas ; elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps ».