Chapelier Fou - «Je suis très curieux de jouer dans une patinoire. Cela nous fait beaucoup rire car j’associe ça à quelque chose d’assez populaire, et je me réjouis de voir le décalage entre l’endroit, la musique, le public…"

Chapelier Fou – «Je suis très curieux de jouer dans une patinoire. Cela nous fait beaucoup rire car j’associe ça à quelque chose d’assez populaire, et je me réjouis de voir le décalage entre l’endroit, la musique, le public… »

jeudi 20 juillet 2023

 

 

Multi instrumentiste, virtuose du violon et du piano mais aussi du sample, Chapelier Fou et son Ensemb7e revisitent des morceaux électro, joués cette fois de façon totalement acoustique.

 

 

Vous êtes entré au conservatoire très jeune, à l’âge de six ans. Votre passion musicale a-t-elle toujours été une évidence ou est-ce venu progressivement ?

C’est une évidence, dans le sens où cela a toujours été très important dans ma vie et que cela ne m’a jamais quitté. J’aime autant étudier l’histoire de la musique que la pratiquer. J ‘étais d’abord médiocre et j’ai beaucoup étudié, d’abord le violon et le clavecin, puis d’autres instruments et outils par la suite. 

 

« J’ai besoin de me rassurer sur le fait que l’on pourra toujours jouer sans électronique. »

 

Pouvez-vous nous présenter le concert que vous donnerez lors du Festival 1001 Notes ?

Je me considère comme musicien électronique car sans la technologie je n’aurais en fait pas fait grand chose. Pour ce concert on va jouter des morceaux déjà composés qui son truffés de synthétiseurs et repensés de manière à jouer de façon totalement acoustique. Ce qui est important pour moi c’est d’essayer de moins dépendre de la technologie. J’ai besoin de me rassurer sur le fait que l’on pourra toujours jouer sans électronique. Comme il s’agit de morceaux revisités, c’est important de le faire de façon acoustique. C’est un spectacle avec lequel on tourne depuis un an ou deux, issu des confinements. J’avais envie de recréer quelque chose qui convienne à un public assis, quand les salles de spectacles ont commencé à rouvrir. C’était supposé être un projet ponctuel, qui a finalement abouti à une vraie tournée.

 

« c’est en fait par la fenêtre du sample que je suis entré dans la musique. »

 

Qu’est-ce qui vous a orienté vers la musique électro après ce parcours classique et comment définiriez-vous votre musique aujourd’hui ?

Des convergences, le fait d’être entouré de diverses musiques. Chez moi on écoutait du classique, mais moi j’écoutais surtout du rock et de l’électro. Mon penchant pour l’analyse musicale, mon intérêt pour en comprendre la structure m’a donné envie d’en créer moi- même pour mieux la comprendre. Le fait d’avoir beaucoup de disques à la maison – une véritable médiathèque, en fait – a facilité tout ça, j’avais des « choses à sampler », et c’est en fait par la fenêtre du sample que je suis entré dans la musique.

Votre musique est souvent décrite comme « cinématographique ». Comment la musique de film influence-t-elle votre travail, avez-vous envisagé de composer une bande originale pour un film ?

La musique de cinéma est un domaine qui m’intéresse, qui a un  fort pouvoir de suggestion et guide l’auditeur vers un univers. J’en ai composé quelques unes mais sur des projets restés assez confidentiels. J’ai conscience de cet aspect-là dans ma musique. En tant que musicien, il nous arrive parfois d’être un peu passif et d’attendre qu’on nous appelle pour nous proposer des projets. Le tout est de savoir faire entendre son désir et de trouver du sens aux projets auxquels on participe. Je rêverais d’en faire davantage, car c’est un investissement très fort de faire de la musique « pour quelque chose ». Le risque que cela ne fonctionne pas est plus important  que pour un album, dans le sens où l’on est associé à un monde qui n’est pas le sien, quelque chose qui nous dépasse.

Comment choisissez-vous les instruments classiques et les sons plus actuels pour vos enregistrements et vos performances en direct ?

Ce que je fais actuellement est un peu une parenthèse, une exception. Mes disques sont un mélange de plein de techniques, d’essais, d’expériences… Souvent, je travaille sur le sampling de morceaux qui ne sont pas les miens, sur de la prise de sons à partir d’objets, de petits instruments… Par exemple, j’étais récemment dans les Alpes, dans un gîte  où il y avait un vieux piano Pleyel. J’ai une affection particulière pour les instruments abandonnés, alors j’en ai enregistré quelques notes pour les réutiliser dans des morceaux. C’est aussi ça, le sampling.

« Il faut ramener de la singularité, je ne sais pas ce qu’il faut inventer, mais ce qui est sûr c’est qu’il faut inventer quelque chose. Il y a forcément un gros vide dans lequel il faut s’engouffrer, je ne sais pas de quoi il est fait mais il faut le trouver. »

 

Comment votre collaboration avec Ensemb7e a-t-elle changé votre approche de la composition musicale ?

Pour moi, c’est l’instrumentarium rêvé.   Il est composé de beaucoup de cordes parce que c’est le monde que je connais le mieux. Il y a donc un quatuor à cordes ( Un violoncelle, un alto et deux violons), un piano droit, un clarinettiste qui joue principalement de la clarinette basse, et un batteur.  ’est un ensemble modeste mais très varié, qui permet des orchestrations fournies.

Vous avez déjà eu l’occasion de vous produire à Limoges dans le passé. Comment décririez-vous l’accueil du public limougeaud pour votre musique ? 

J’ai en effet joué à l’espace John Lennon, mais honnêtement je ne m’en souviens plus très bien, c’était il y a longtemps. Cela dit, je suis très curieux de jouer dans une patinoire. Cela nous fait beaucoup rire car j’associe ça à quelque chose d’assez populaire, et je me réjouis de voir le décalage entre l’endroit, la musique, le public…

Et pour terminer, un  conseil à donner à un jeune musicien un peu « hors des clous » qui commence sa carrière ? 

Le monde a beaucoup changé. A mon époque, il fallait rester singulier, jouer et se montrer. Maintenant la standardisation des espaces, le système des smac (scènes de musiques actuelles) modifient le rapport à la musique. Avant y avait une sorte de mouvement sur le mode du « do it yourself » alors que c’est beaucoup plus formaté aujourd’hui. Il faut ramener de la singularité, je ne sais pas ce qu’il faut inventer, mais ce qui est sûr c’est qu’il faut inventer quelque chose. Il y a forcément un gros vide dans lequel il faut s’engouffrer, je ne sais pas de quoi il est fait mais il faut le trouver.

 

Propos recueillis par Morgane Gander