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La chronique de Jean-Noël Martin : Vanessa Benelli Mosell

samedi 7 août 2021

Jean-Noël Martin est un spectateur éclairé qui nous partage avec la ferveur de sa plume aiguisée, ses impressions et humeurs de ce qu’il pu a observer avec ses yeux et ses oreilles.

Aujourd’hui, retour sur le concert de Vanessa Benelli Mosell.

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La puissance et la grâce

Une liane qui nous raconterait la jungle et l’orchidée, une elfe qui ferait vibrer nos harpes secrètes, celles dont les doigtés n’appartiennent pas aux méthodes laborieuses. Frêle silhouette galactique nimbée de poussières d’étoile, face au monstre noir, gueule béante, qui attend la caresse en échange de tous les soupirs, de tous les chants, on comprend vite qui va dompter l’autre, sans fouet, ni injonction germanique. On n’en voudrait pas à ce fauve au cordier tendu de céder à la tentation et de croquer l’inconsciente toute crue, mais il devra s’incliner devant le savoir et la volonté, allant ainsi vers le cantabile, puisque la vestale ne lui laisse pas le choix.

 

Cheffe d’orchestre, Vanessa Benelli Mosell, mène ses 10 doigts comme autant de musiciens. Pas de position altière, de figure virile, la bête à mater a déjà renoncé, elle ne mordra, ni ne grognera. Elle ira de note en note en suivant sa Diva, chaste Diva (casta:chaste), plus encline à enfourcher toutes les cadences possible en voltigeuse, dos droit à peine cambré, une idée de ce que peut être une inflexion, un rubato dorsal pour éviter toute raideur, poignets déliés s’émancipant du bras qui vient en appui lorsque la puissance le requiert.

Bien avant que les musiciens de jazz s’emparent d’un succès, d’une bluette à la mode pour s’envoler vers d’autres mélodies via improvisations et autres fantaisies,  on ne se privait pas au 19ème siècle de ce type de pratiques, où tel air populaire, telle valse de salon, ou bien cette pièce, morceau de bravoure d’un opéra à la mode, faisait l’objet de transcriptions, de variations, de pastiches…

Jonglage harmonique, thèmes croisés, inversement des cadences, doublement ou ralentissement des tempi, passage en ternaire… tout était bon pour jouer et déjouer, la proposition de départ. Ajoutons que le piano, est le seul instrument qui peut redonner un opéra en solo sans autre moyen que le musicien et son talent.
En un temps où l’accès à la musique ne pouvait être que vivant, où l’opéra n’était pas accessible à tous et toutes, la transcription était aussi un moyen d’aborder le dernier opus de tel ou tel dont le tout Vienne ou de quelque autre ville s’était entiché.

Vanessa Benelli Mosell remet au goût du jour ces pratiques pianistiques guère éloignées au fond de la direction d’orchestre, si dans un premier temps tout paraît sage et appliqué très vite, on voit la baguette orchestrale prendre ses appuis, insensiblement la lumière penche et miroite comme elle l’entend. Dans la grande famille vibratoire sons et lumières cousinent allègrement.

Délicatesse, vigueur, bonheur d’évidence, on pourrait parler d’un pas de deux qui a su dégeler cette soirée de juillet, traître à sa saison, Celsius ne nous concédant guère plus de 14°/15°…la pianiste aux bras nus est sur chaque note comme l’œil et l’ouïe du chef sur chacun de ses musiciens, on ira ainsi, de Beethoven, sonate en sol majeur à Medtner, Forgotten Melody et Fairy Tales,  en passant par Liszt pour sa Réminiscences de Norma, Casta Diva de Bellini, Largo al Factotum de Ginzburg d’après Rossini, Scarlatti au rappel…

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Un petit point sur ce que c’est qu’un piano: 88 notes, entre 60 et 75kg de tension pour chaque corde à laquelle s’ajoute deux ou trois autres par touche, suivant sa place dans les graves, médiums, ou aigus. Donc quelques tonnes à l’arrivée, on laissera les spécialistes traduire tout ça en newtons…au cœur de ce meuble au galbe improbable réside une énergie considérable, une machine à faire vibrer l’atmosphère, la sculpter en fines arabesques, en chimères, en mirages qui in fine viendront solliciter, heurter, caresser nos tympans grâce à la perception sensible et à la science exquise de l’artiste.

Le merveilleux est bien là puisqu’il est entre autres question de Fairy Tales, et ce sont bien des doigts de déesse qui maîtrisent cette fabuleuse machine, on parlera de « Steinway et la Fée Benelli », délicatesse, vigueur, bonheur d’évidence, un enchantement où la Maestra Benelli Mosell nous a offert pour le dernier rappel, La fille aux cheveux de lin de Claude Debussy, qui vint caresser avec ses boucles légères cette fin de soirée où la grâce tutoya la puissance. Vanessa Bellini Mosell, sans effet, ni artifice, donna à la musique, ce soir, la place que seule une Diva sait lui octroyer entre démesure du talent et chaleur du don.

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