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La chronique de Jean-Noël Martin : Roland Romanelli, Rebecca Mai, Frédérik Steenbrink & Isabelle Georges.

jeudi 5 août 2021

Jean-Noël Martin est un spectateur éclairé qui nous partage avec la ferveur de sa plume aiguisée, ses impressions et humeurs de ce qu’il pu a observer avec ses yeux et ses oreilles. Aujourd’hui, retour sur un spectacle « madeleine de Proust » avec des Chansons de l’enfance.
Chantées à tue-tête dans la voiture en route pour les vacances, premier slow dans un camping du Morbihan suivie du premier baiser… La chanson qui a rendu nos larmes un peu moins amères à la première séparation, celle qui nous a fait danser lors de la pendaison de crémaillère, pleurer à la naissance de notre premier enfant ou à l’enterrement d’un de nos grands-parents … 

Entretien croisé avec :

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Roland Romanelli, deux « R » en initiales, c’était écrit, né sous le signe du couplet et du refrain, en arrivant au monde par Alger la Blanche, il jouerait de toutes les gammes porté par le tempo des rires et des chansons. Durant 20 ans avec Barbara, à la scène comme à la ville…Roland Romanelli, un air de patriarche manouche, le monde est sa roulotte, et partout où se trouve un piano ou une boîte à frissons, il est chez lui pour nous inviter à partager le sel de la vie et le son des passions.

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Frédéric Steenbrink entre la mâle assurance du baryton et fragilité du crooner, brun, gabarit d’athlète se met au piano comme d’autres feraient de la broderie.

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Isabelle Georges, toute de fougue pétillante, rousseur sauvage et œil de porcelaine, prête à nous emmener visiter le Magicien d’Oz en faisant des claquettes entre la rosée perlant à ses cils et les flaques d’or de la dernière ondée.

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Rebecca Mai diva à l’antique, Sémiramis réincarnée venue du jardin de nos mémoires entre les airs d’autrefois et le secret des charmes indicibles, elle aussi, dame brune échappe au temps et désespère les sabliers.

 

Jean-Noël Martin : Dites-nous cette rencontre entre Rebecca Mai et vous?

Roland Romanelli : Je l’ai découverte alors que j’étais en quête d’une chanteuse qui pourrait reprendre le répertoire de Barbara. Elle fit mieux que répondre à mes attentes et mes exigences, vous le voyez, ça fait 15 ans que nous travaillons ensemble.

Jean-Noël Martin : Quels étaient les qualités que devait satisfaire Rebecca?

Roland Romanelli : Je suis si proche de l’œuvre de Barbara que l’idée même de trahison n’est pas concevable. Ces 20 ans de proximité absolue m’assure de trouver la synthèse et la justesse pour entretenir la flamme grâce à Rebecca. Elle est sur les mêmes tonalités, c’est très important, j’ai également retrouvé certaines sensations cela dit, il ne s’agit pas de remplacer l’irremplaçable mais peut-être autant qu’il est possible, de maintenir son répertoire vivant, qu’il soit grave ou espiègle. Grâce au talent de Rebecca, depuis une quinzaine d’années, elle continue de nous accompagner.

Jean-Noël Martin: Rebecca, Roland, vous a mis lourd sur les épaules…

Rebecca Maï : Dans un premier temps je n’ai pas réalisé, je ne sais pas si j’aurai eu le courage d’aller plus loin mais j’avais ce désir au plus profond de chanter Barbara. Venant de la danse classique, je démarrais le chant et la langue, la poésie, la simplicité, tout ce qui fait le style de cette grande figure m’était si proche, que les choses se sont accordées dans l’évidence, avec notamment comme le précisait Roland, la tonalité, ce qui fut une sorte de cadeau, un signe…Je lui ai demandé son avis sur l’interprétation, sa réponse fut ses plus éloquentes puisqu’il me demanda d’être son interprète! Je l’ai suivi aveuglément, en fait, je ne me suis pas rendu compte, maintenant ça y est, sa confiance et son écoute me nourrissent à chaque instant.

Jean-Noël Martin : Donc, une rencontre en Barbara majeur?

Rebecca Maï : C’est ça, j’avais déjà l’intention d’écrire un spectacle sur Barbara, se posait la question de la légitimité, une seule personne pouvait m’éclairer sur ce point très sensible, Mr Romanelli (un sourire de Rebecca vers l’intéressé) Il ne m’a pas répondu tout de suite tout en laissant une petite ouverture « Préparez-moi trois chansons… » sa réponse fut des plus directes « Ça me va…si ça vous dit? »

Jean-Noël Martin : Se glisser ainsi dans un univers aussi fort n’est-ce pas renoncer un peu à soi-même, à vous, ce que vous être Rebecca? (Rebecca demeure perplexe et c’est Roland Romanelli qui s’y colle)

Roland Romanelli : Elle la défend si bien, si Barbara était là, elle soutiendrait Rebecca, pour ce qu’elle est, avec ses propres inflexions, sa nature, sa souplesse, quelque chose de flexible qui lui est propre et se prête parfaitement à ses jeux d’entrelacs où les choses de la vie se racontent à elle-même avec les mots du jour et les murmures de la nuit.

Jean-Noël Martin : Vous êtes donc sous le haut marrainage de Barbara…

(Acquiescement muet des intéressés) 

Jean-Noël Martin : Isabelle Georges comment faites-vous pour cohabiter avec Roland et Rebecca tout deux soudés par cette mission, cette nécessité de diffuser les paroles et la présence de la longue dame brune?

Isabelle Georges : Tout a commencé pour moi avec Judy Garland, toute petite, j’avais des ennuis de santé assez sérieux et c’est dans ce monde là avec Gene Kelly et tant d’autres que je trouvais l’énergie pour entamer une nouvelle journée. Barbara c’est venu après, à l’adolescence, à ce moment, il m’était devenu naturel de mêler, comédie musicale, chanson française, musique yiddish également…tout ça, à un moment ou un autre doit se rencontrer, sortir de son cadre formel.

Jean-Noël Martin : Vous êtes jeunes et j’imagine que vos copains et copines ne devaient pas partager les mêmes playlists…

Isabelle Georges : J’ai eu la chance de naître dans une famille où ma maman faisait du chant sacré, mon père revenait fréquemment des USA avec des disques de jazz, de comédies musicales, ce qui m’invitait gentiment à une forme d’exotisme culturel, cela ne m’affectait pas de ne pas être dans les « goûts » du jour, tout ce que je pouvais écouter chez moi répondait à ma curiosité, cette variété de style et de couleur me donnait à vivre et aimer sans pour autant rejeter ce qui se faisait à l’époque.

Jean-Noël Martin : Depuis combien de temps partagez-vous la scène avec Roland, Rebecca, Isabelle?

Frédérik Steenbrink : Depuis vingt ans avec Isabelle, alors vous voyez, Roland qui se vante de ses 20 ans de cohabitation avec Barbara…(rires) Lors d’une première rencontre avec Mr Romanelli, il me dit souhaiter accompagner de grands chanteurs, je me suis dit que j’avais toutes mes chances, avec mes 1,86 m…il cherchait un pianiste pour jouer avec lui lorsqu’il utilisait son accordina (petit instrument à vent proche de l’harmonica nanti d’un clavier d’accordéon), et qu’il n’était pas nécessaire que ce soit un grand pianiste, un petit « Choupinou » suffirait…(rires)

Jean-Noël Martin : A propos d’accord entre instruments, comment se passait une séance avec Barbara et Roland Romanelli?

Frédérik Steenbrink : Soit elle m’écrivait une lettre, et je faisais la musique, ou elle m’envoyait des mots, des bribes parfois, par exemple pour l’Aigle Noir, ça commence dans les coulisses du Théâtre de la Renaissance où elle jouait Madame. Elle avait pour habitude d’arriver très tôt, je m’exerçais donc sur le piano qui se trouvait là. Elle sort de sa loge, et me demande « Mais c’est quoi ça?…continue, continue… » je poursuis ma descente harmonique, et elle a commencé à poser des mots en amorçant une mélodie…

Jean-Noël Martin : L’Aigle Noir n’est donc pas né un beau jour…ou peut-être une nuit…

Roland Romanelli : En fait, plutôt un après-midi au Théâtre de la Renaissance (rires)…

 

Propos recueillis par Jean-Noël Martin

 

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