Femmes de musique. Une liste (subjective) des plus grandes !

Femmes de musique. Une liste (subjective) des plus grandes !

lundi 8 mars 2021

Lorsque nous pensons aux « plus grands » musiciens, les noms qui nous viennent le plus rapidement à l’esprit sont Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Prokofiev… Plus proches de nous, on invoque Serge Gainsbourg, Bob Dylan ou Prince. Dans ce qui a traditionnellement été une industrie dominée par les hommes, un grand nombre de musiciennes innovantes et révolutionnaires ouvrirent pourtant très tôt la voie aux femmes. Du classique au jazz, en passant par la soul, le punk et le hip hop, voici une petite liste subjective des femmes – qu’elles soient musiciennes, compositrices, interprètes ou tout cela à la fois – qui ont d’ores et déjà marqué les siècles de leurs empreintes musicales singulières.

Hildegard von Bingen (1098-1179)

C’est la Matriarche : non seulement elle fut une compositrice mais aussi une abbesse, une visionnaire, une meneuse, une poétesse, une dramaturge et même une herboriste ! Hildegard de Bingen tient une place unique dans l’histoire de la musique. Son héritage musical, qui comprend près de 80 pièces incluses dans la pièce morale Ordo Virtutum en fait l’un des plus grands compositeurs du Moyen-Age. Elle composa pour son propre couvent et les monastères alentours, supervisant la copie de manuscrits. Rythmée très tôt par les huit offices chantés quotidiennement, sa pratique – autodidacte – est ainsi décrite par ses soins : « Je composais et chantais de tout cœur pour louer Dieu et les saints, même si je n’avais jamais étudié la notation musicale ou le chant. » Sa collection d’œuvres calquées sur la forme liturgique de l’antiphonie, du répons, des séquences et des hymnes s’intitule Symphonie de l’Harmonie des Révélations Célestes. Son style musical, extrêmement ambitieux, se trouve marqué par des mélodies extatiques comprenant de larges séquences de quartes et des quintes, et par un usage dramatique de lignes plongeantes, suivies de montées remarquables dépassant parfois l’octave.

 

 

Nadia Boulanger (1887-1979)

La compositrice, cheffe d’orchestre et organiste Juliette Nadia Boulanger naît dans une famille de musiciens en 1887, d’une mère de trente ans et d’un père de soixante-douze ans. Sa sœur, Lili, est également musicienne. Son père, Ernest Boulanger, est instructeur de voix au Conservatoire de Paris. Nadia Boulanger commence à étudier la musique au Conservatoire à six ans. Etudiante talentueuse, Nadia Boulanger ne tarde pas à remporter des prix de contrepoint, de fugue, d’harmonie, d’orgue et d’accompagnement. C’est prématurément, pour la jeune femme qu’elle est, que son père meurt en 1900 : la voici responsable de sa famille tandis qu’elle doit déjà enseigner et se produire. En 1906, Nadia Boulanger est l’assistante de Gabriel Fauré à l’église de la Madeleine à Paris. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle vit exilée aux Etats-Unis, où elle est la première à enregistrer Monteverdi et devient la première femme à diriger les Boston Symphony et New York Philarmonic Orchestras. Nadia Boulanger, c’est aussi une professeure dont l’influence s’étend bien au-delà du milieu académique dans lequel elle évolue. Son enseignement au Conservatoire Américain de Fontainebleau est certes strict et très discipliné, mais inspire énormément. Ouverte à des techniques peu conventionnelles, ses principaux modèles répondent cependant aux noms de Bartok, Debussy, Ravel et de Stravinsky. Parmi ses élèves qui accourent du monde entier, on trouve les compositeurs américains Walter Piston, Roy Harris, Aaron Copland, Elliott Carter et Philip Glass. Parmi ses élèves britanniques, on peut par ailleurs citer Lennox Berkeley, Thea Musgrave et Nicolas Maw. Côté Français, remarquons Igor Markevich, d’origine russe, et protégé de Diaghilev ou encore Jean Françaix. Nadia Boulanger, aussi passionnée qu’infatigable, est encore très active sur la scène musicale lorsqu’elle s’éteint en 1979 à l’âge de 92 ans.

Billie Holiday (1915-1959)

Née le 7 avril 1915, Billie Holiday a un style reconnaissable entre mille. La légende du jazz ne déclara-t-elle pas un jour ceci ? : « Si je dois chanter comme quelqu’un d’autre, autant ne pas chanter du tout ». Comme elle l’expliquera dans un ouvrage, sa voix, Billie Holiday la voit comme un instrument de musique à part entière : « J’ai l’impression de jouer du cor. J’essaie d’improviser… Ce qui sort, c’est ce que je ressens. » Véritable source d’inspiration pour Frank Sinatra, ce dernier alla même jusqu’à déclarer en 1958 : « Billie Holiday est l’artiste ayant eu la plus grande influence sur la chanson populaire américaine de ces 20 dernières années ». Tantôt hypnotique de par sa voix, tantôt fascinante de par sa vie faite de hauts et de bas, “Billie” explique d’où lui vient l’idée de s’affubler de ce prénom dans son autobiographie Lady Sings the Blues : « Je ne pense pas avoir manqué un seul film que Billie Dove ait fait. J’en étais folle ». Avant de rencontrer la gloire en tant que chanteuse, Billie Holiday n’aura reculé devant rien pour survivre, y compris devant la prostitution dans les premiers temps. Devenue l’une des grandes stars du jazz, elle se produira avec des artistes comme Count Basie et Artie Shaw et fera même une apparition dans un film aux côtés de Duke Ellington. Assombri par une histoire dramatique, teintée d’alcool et de drogues, son parcours n’en reste pas moins sublime. Quelques notes suffisent et nous voilà subjugués par le son « Billie Holiday » : doux et âcre, solaire et mature à la fois. Rares sont les chanteurs de jazz (mais pas que) qui ne font référence à elle en tant qu’influence majeure.

Maria Callas (1923-1977)

Viva La Divina ! Callas n’est-elle pas à l’opéra ce que Billie Holiday est au jazz ?
L’une des chanteuses d’opéra les plus célèbres et les plus influentes du 20e siècle est une soprano américaine d’origine grecque, encensée par la critique pour sa technique de bel canto, sa voix intense et l’étendue de sa tessiture. Callas aura dépassé les limites habituelles de la musique classique, apposant son empreinte vaste et profonde sur la culture populaire. Née en 1923 à Manhattan, New York, Sophia Cecelia Kalos – de son nom de naissance – naît de parents grecs issus de la classe moyenne. Elle commence à chanter dès l’âge de cinq ans, démontrant un talent manifeste. A noter que Callas entretient depuis toujours une relation tendue avec sa mère, qu’elle qualifie de violente. Elle reçoit sa formation musicale à Athènes, d’abord sous la direction de Maria Trivella, puis obtient son diplôme du Conservatoire national grec sous la supervision d’Elvira de Hidalgo. Avec son répertoire, qui s’étendra des grands opéras classiques aux œuvres de « bel canto » de Donizetti, Bellini et Rossini, de Verdi à Puccini, en passant par Wagner – elle réussit à transformer à elle seule le concept du drame dans l’opéra. Près d’un demi-siècle après sa mort, la voix de « La Divina » continue de captiver et d’enchanter le public. On ne peut certes mourir d’un cœur brisé : dans le cas de Maria Callas, il semblerait que ses rôles sur scène fassent comme un miroir de son destin… Callas s’appropriera plusieurs rôles, dont Medea, Violetta, Leonora, Norma et bien sûr Tosca pour les plus emblématiques. « J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour, je n’ai jamais fait de mal à âme qui vive… Pourquoi, pourquoi, Seigneur, ah, pourquoi m’en récompenses-tu ainsi ? », chante-t-elle dans son interprétation de Vissi d’arte… La chanteuse mourra à seulement 53 ans d’une crise cardiaque, recluse dans sa résidence parisienne, en 1977.

 

Jacqueline Du Pré (1945-1987)

Jacqueline Du Pré, violoncelliste britannique au style romantique et empreint de sensibilité, est propulsée au rang de star internationale dès l’âge de 20 ans. Malgré une existence écourtée par la maladie, sa carrière de concertiste n’en est pas moins considérée comme l’une des plus grandes au 20e siècle. Née de Derek et Iris Du Pré (Derek Du Pré était d’ascendance britannique, des îles anglo-normandes), Jacqueline connaît le succès toute jeune et atteint une renommée internationale en l’espace de quelques années seulement au milieu des années 1960. En 1964, elle se voit offrir le Davidoff Stradivarius (aujourd’hui entre les mains de Yo-Yo Ma), et c’est avec cet instrument qu’elle entre au Carnegie Hall le 14 mai 1965. Jacqueline Du Pré poursuit ses études avec Mstislav Rostropovich à peu près à la même époque, passant même l’examen final au Conservatoire de Moscou en 1966. La même année, elle rencontre Daniel Barenboim, qu’elle épouse en juin 1967. Ensemble, ils formeront l’un des couples musicaux les plus célèbres de l’Histoire. La relation personnelle et professionnelle de Jacqueline Du Pré avec Daniel Barenboim ouvrira de toutes nouvelles possibilités en matière de musique de chambre, et ses collaborations avec des sommités telles que Pinchas Zukerman et Itzhak Perlman permettront d’écouler des milliers d’enregistrements et de billets. En 1973, on lui diagnostique une sclérose en plaques et, à l’exception de deux représentations cette année-là et de quelques enregistrements de sonates (Chopin et Franck), sa carrière de concertiste prend fin. Elle se consacrera néanmoins à l’enseignement pendant de nombreuses années encore. Quoi qu’il en soit, ses enregistrements ont influencé plusieurs générations après sa disparition. Ses interprétations des concertos d’Elgar et de Dvorák, ainsi que du concerto de Schumann, sont particulièrement appréciées.

Martha Argerich, née en 1941

Entre autres pianistes contemporaines, peu de noms sont mentionnés avec autant de vénération que celui de l’impériale Martha Argerich. Véritable légende vivante du monde de la musique classique, l’image prestigieuse de cette virtuose argentine s’est forgée presque malgré elle. Une image projetant un génie farouche, profond, plein d’émotion et qui n’évite pas les prises de risques. Sa mémoire photographique est telle que l’artiste se trouve capable de reproduire parfaitement une musique, immédiatement juste après la première écoute. Les défis techniques ne lui posent aucun problème : « J’ai un faible pour les octaves », déclare-t-elle un jour en riant, dans une interview télévisée de 1972, au sujet des passages comme ceux de la fin du premier concerto pour piano de Tchaïkovski. La Toccata, de Schumann, est l’une des pièces les plus difficiles du répertoire, mais Martha Argerich, qui affectionne particulièrement le compositeur allemand, la joue pendant des années en guise d’échauffement. Plutôt que de se cantonner à la musique classique, Martha Argerich n’a pas hésité à plonger dans le jazz. Quand elle le peut, Martha Argerich prend des leçons auprès d’autres virtuoses du piano. Elle a notamment réussi à obtenir quatre sessions avec le brillant pianiste italien Arturo Benedetti Michelangeli. Après avoir remporté la première place au septième Concours international de piano Chopin à l’âge de 24 ans, l’artiste polyglotte et polyvalente a entamé ce qui est, à ce jour, une incroyable carrière d’interprète et d’artiste du disque, travaillant en grande partie avec des collaborateurs et des orchestres depuis le début des années 1980. Nombre de ses enregistrements de grands compositeurs sont considérés comme des interprétations incontournables.

Madonna, née en 1958

En presque 40 ans de carrière, une chose est sûre : Madonna a marqué l’histoire de la pop au fer rouge et l’histoire de la musique tout court. Sans elle, pas de Lady Gaga, de Britney Spears. Madonna a façonné la culture pop en termes de musique mais aussi de mode et de style, comme l’auront fait Michael Jackson, George Michael, Whitney Houston ou encore Prince qui rafraichirent eux aussi la popmania dans les années 1980. Influencée par des artistes glamour comme Donna Summer, Debbie Harry et David Bowie qui, avant elle, ont repoussé les limites, Madonna aura imposé des codes que tous les artistes appliquent aujourd’hui, qu’il s’agisse de Taylor Swift, Justin Timberlake, Britney Spears ou Beyoncé. Les moments les plus provocants de Madonna sont emblématiques : quand elle embrasse un saint noir dans le clip « Like a Prayer » de 1989 ou simule une masturbation sur scène lors du Blond Ambition World Tour de 1990. Aujourd’hui, la “blasphématoire” Madonna continue à inspirer des générations entières d’artistes qui, sans elle et sans ses clips prônant la sexualité positive comme « Open Your Heart » et « Erotica » n’auraient probablement pas pu exister. Lors d’une interview donnée en 2016, Madonna déclara : « la chose la plus controversée que j’ai faite, c’est de durer. »

Barbara Hannigan, née en 1971

J’ai été frappée par les talents de Barbara Hannigan pour la première fois lors d’une représentation à Londres en 2015. Elle a, comme on dit, « tout pour elle ». C’est quelqu’un qui mérite vraiment toutes les louanges qui lui sont faites. Barbara Hannigan possède à la fois une voix magnifique, une grande musicalité, un esprit vif… Et une franche intrépidité. Son répertoire est vaste et varié, allant des célèbres œuvres de Mozart à celles de Stravinski au 20e siècle, et elle n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit d’aborder un nouveau répertoire. Elle a participé à la création de plus de 80 œuvres, dont beaucoup ont été écrites spécialement pour elle.

Mais ses talents ne s’arrêtent pas là. Récemment, Barbara Hannigan a commencé à se produire en concert en tant que soprano et chef d’orchestre. Elle a travaillé avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin, le Münchner Philharmoniker, le London Symphony Orchestra, le Toronto Symphony, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le Göteborgs Symfoniker, l’Orchestre Philharmonique de Prague, le Mahler Chamber Orchestra, l’Orchestre de l’Académie nationale Sainte-Cécile de Rome et le Cleveland Orchestra, pour n’en citer que quelques-uns. Et pour couronner le tout, elle se consacre au mentorat de jeunes artistes grâce à son travail reconnu avec Equilibrium Young Artists, un programme conçu pour aider les musiciens à l’orée de leur propre carrière. Barbara Hannigan est prête non seulement à inspirer mais aussi à partager son expérience et son approche avec d’autres musiciens.

Les sœurs Labèque (Katia, née en 1950, et Marielle, née en 1952)

Elles sont pour ainsi dire le duo pianistique le plus célèbre au monde, jouant ensemble depuis plus de 50 ans et élargissant le répertoire pour deux pianos. Elles ont interprété avec brio des œuvres classiques et romantiques traditionnelles et se sont aventurées dans le jazz, le baroque et le genre expérimental en commandant des partitions et en inventant des projets. Quand les sœurs Katia et Marielle Labèque jouent, elles respirent à l’unisson. Elles qui ont réussi à transformer ce qui était autrefois considéré comme un genre un tant soit peu démodé et lui ont donné un souffle nouveau.  Leur signature, dit Katia, c’est leur désir constant de changer et d’apprendre et, en regardant tout ce qu’elles ont accompli, on ne peut que leur souhaiter de continuer longtemps.

Hildur Guðnadóttir, née en 1982

Elle est en train de révolutionner la musique dans l’industrie cinématographique. Après avoir remporté un Emmy Award, Hildur Guðnadóttir est devenue la première femme à recevoir un Golden Globe de la meilleure musique de film et la quatrième à remporter un Oscar pour la B.O. d’un film avec Joker.  Avant Joker, on lui doit la musique des films Hijacking (2012) de Tobias Lindholm, Prisoners (2013) et Sicario (2015) de Denis Villeneuve, The Revenant (2015) d’Alejandro G. Iñárritu ou encore celle du documentaire Strong Island (2017) de Yance Ford. Plus récemment, Hildur Guðnadóttir a composé la musique de la série Tchernobyl diffusée sur HBO et encensée par la critique. Il est rare qu’une femme compositrice soit saluée dans l’industrie cinématographique, a-t-elle déclaré ouvertement. En recevant son Oscar, elle eut d’ailleurs ces mots : « Aux jeunes filles, aux femmes, aux mères, aux filles qui entendent de la musique qui bouillonne à l’intérieur d’elles, s’il vous plaît, exprimez-vous. Nous avons besoin d’entendre vos voix ».

Beyoncé, née en 1981

Cette liste se referme sur la puissante Beyoncé ! Considérée comme l’une des figures culturelles les plus importantes de son époque en raison de sa musique, de son image et de son mode de vie, Beyoncé jouit d’une popularité telle que ses contributions ont influencé des générations d’autres artistes et de femmes en général. Élue « artiste féminine la plus puissante de l’année » par le magazine Forbes en 2015 et 2017, elle a même été nommée en 2020 par ce même média parmi les 100 femmes qui ont façonné le siècle dernier. Seule artiste féminine à avoir vu tous ses albums se classer n° 1 dès leur sortie, la reine de la « BeyHive » – le nom de cette communauté des inconditionnels de Beyoncé accumule les buzz. Rares sont les artistes comme elle qui parviennent à faire passer des critiques avec un sens du style aussi inné et une telle facilité.

Pourquoi Beyoncé est-elle si captivante ? Pourquoi sa voix (lorsqu’elle chante, lorsqu’elle s’exprime ou même quand elle ne s’exprime pas) résonne-t-elle auprès d’un si grand nombre, et en premier lieu les Millennials ? Femme de la Renaissance urbaine, Beyoncé est une musicienne, une businesswoman, une féministe, une mère… Mais aussi une marque autour de laquelle semblent graviter tous ces talents réunis. De « Lemonade » à « Coachella » en passant par une vidéo au Louvre, Beyoncé continue d’élargir notre définition du mot « musicienne ».

Et vous, quelle serait votre liste subjective ?

MIN-JUNG KYM