Au regard de l’histoire, Frédéric Chopin incarne la figure de l’artiste romantique : il était de tempérament changeant, angoissé, poétique et inspiré. Il a vécu la grande majorité de sa vie en exil en France, loin de sa Pologne natale, et a longtemps souffert physiquement et psychologiquement, avant d’être emporté par la tuberculose, au jeune âge de 39 ans.
1810, une année de naissance agitée
Frédéric Chopin est né en 1810 à Żelazowa Wola, sur le territoire du duché de Varsovie (actuellement en Pologne). Issu du côté de son père d’une famille lorraine originaire de Marainville-sur-Madons et de Justyna Chopin, sa mère polonaise.
Il naquit dans une année mouvementée avec pour faits historiques :
- Les Britanniques s’emparent de la Guadeloupe
- L’émancipation généralisée de nombreux pays d’Amérique Latine (Année d’indépendance du Chili, début de la guerre d’indépendance au Venezuela, en Argentine, en Colombie et au Mexique)
- Année de fondation du conservatoire de Prague
- L’Espagne se soulève du joug Napoléonien
Chopin l’exilé…avec une escale à Vienne et Stuttgart avant de résider à Paris
Le 2 novembre 1830, Frédéric Chopin quitte sa Pologne natale pour Vienne, avec une seule et unique idée en tête : la musique. Le 29 novembre de la même année, l’insurrection éclate à Varsovie : le peuple polonais se soulève contre la domination russe. Lorsque Chopin prend connaissance de cette révolte, il a pour première idée de rentrer à Varsovie. Mais le chemin du retour est semé d’embûches, et sa santé est trop fragile. Voué à l’exil , Chopin sombre dans la mélancolie.
Un an plus tard, Chopin élit domicile dans la capitale française, où il rencontre l’amour et le succès.
Chopin mélancolique, Chopin agoraphobe ?
Alors que son ami Franz Liszt multiplie les concerts à travers l’Europe, Chopin, lui, mène une existence sédentaire, à Paris. La scène ? Les spectateurs en délire ? Très peu pour lui : non seulement il souffre d’un trac terrible, mais il privilégie, en plus, un style de jeu tout en douceur et en subtilités.
Tout au long de sa (courte) carrière, Chopin se produira bien quelques fois en public à Varsovie, Vienne puis Paris, mais pour développer son art, le pianiste se trouve définitivement plus à son aise dans la chaleur et l’intimité des salons.
Chopin l’Amoureux
La relation amoureuse qui unit Frédéric Chopin et George Sand entre 1838 et 1847 est l’une des plus célèbres de l’histoire de la musique. Il est musicien, elle est écrivaine. Il est un personnage dandy, romantique et inspiré, tandis qu’elle se fait remarquer par ses provocations, ses tenues masculines et les cigarettes qu’elle ‘ose’ fumer en public.
Or quelques mois seulement avant de rencontrer George Sand, Chopin s’était fiancé avec Maria Wodzińska, une amie de jeunesse retrouvée au cours d’un voyage à Dresde. Des fiançailles on ne peut plus platoniques et romantiques, mais qui furent désapprouvées par les parents de la jeune fille. De ce mariage manqué, Chopin conservera une poignée de lettres et une valse, sa Valse en la bémol majeur n°1 opus 69, dite de l’Adieu.
Chopin, Sand et Delacroix : les âmes sœurs artistiques
Les deux artistes s’étaient rencontrés à Paris (grâce à George Sand), et se sont côtoyés à Nohant. Jusqu’à la mort de Frédéric Chopin, Delacroix aimera parler de musique avec le compositeur.
Aurore Dupin ne se comportait pas comme les autres femmes. Elle aimait errer dans les salons parisiens habillée en homme, en fumant des cigares et depuis son divorce, elle accumulait les amants. Quand George Sand, le nom de plume par lequel elle est mieux connue, posa les yeux sur le pianiste et compositeur Frédéric Chopin, elle se jura de mettre la main sur lui.
Depuis ses seize ans, le virtuose polonais était touché par la tuberculose. Cette maladie allait former sa personnalité, souvent décrite comme introvertie et réservée, et la mélancolie à laquelle il est souvent réduit n’était qu’une part de sa personnalité complexe. L’énergie dont il manquait dans son corps était parfois présente dans sa musique impétueuse. Il n’y a dès lors rien d’étonnant à ce qu’une personne comme Chopin (dont on dit qu’il commença par éviter Sand) ait d’abord été révulsé par une femme comme elle. Toutefois, comme ils évoluaient dans les mêmes cercles (qui incluaient le pianiste et compositeur hongrois Franz Lizst et les auteurs français Victor Hugo et Honoré de Balzac, parmi d’autres), ils se rencontrèrent en 1836 et devinrent amants deux ans plus tard, dans des circonstances qui ne nous sont pas connues. Cette année-là, Sand présenta Chopin à son ami, avec lequel elle partageait une passion pour Shakespeare et Lord Byron, le peintre romantique Eugène Delacroix.
Sand et Delacroix se connaissaient depuis 1834, quand le peintre avait réalisé une commande : un portrait de Sand, destiné à illustrer l’article d’un magazine. Malgré leurs différences d’opinion politique, leur passion de l’art et de la poésie leur permit de maintenir leur amitié. Ils partagèrent aussi leur admiration pour Chopin, comme on peut le voir dans cette lettre, présentée dans l’exposition de 2018 au Louvre. Toutefois, d’après Sand, si Chopin respectait Delacroix, il était loin de l’admirer. On le suspecte en effet de ne pas avoir particulièrement apprécié les œuvres de Delacroix. Cela ne l’empêcha pas toutefois de dire du peintre : « Il est l’artiste le plus admirable qu’il soit possible d’imaginer ; J’ai passé des moments délicieux avec lui. »
La même année, Delacroix débuta un portrait à la peinture à l’huile du couple : Chopin jouant au piano et Sand, à ses côtés, réagissant à sa musique. Comme d’autres œuvres de Delacroix, elle met l’accent sur la couleur et le mouvement plutôt que sur la précision de la ligne, une technique qui allait influencer plus tard les Impressionnistes. Le peintre emprunta même un piano pour peindre le portrait dans son studio, mais il ne l’exécuta pas. L’œuvre resta inachevée.
L’amitié entre Sand et Delacroix perdura jusqu’à la mort du peintre en 1863. Ensuite, son portrait inachevé de l’écrivaine et du compositeur fut coupé en deux (certaines parties furent même abandonnées et sont aujourd’hui perdues). Le moment précis où cela s’est produit nous est inconnu, comme l’est le responsable. Mais on suppose que l’objectif avait été d’accroître la valeur de l’œuvre. Tout comme les deux amants eux-mêmes, les parties du tableau finirent séparés : celle représentant Chopin est au musée du Louvre tandis qu’une autre représentant de Sand se trouve au musée Ordrupgaard de Copenhague.
Chopin et la tuberculose : une malédiction familiale et amicale.
La sœur de Chopin, Emilia meurt de la tuberculose en 1827, lui en mourut en 1849.
À partir de 1842, Chopin, dont l’état de santé va en s’aggravant. Comme les prémices du destin funèbre de Chopin, Jan Matuszyński, son ami d’enfance, médecin, lui aussi exilé à Paris depuis 1834, meurt des suites de la tuberculose à seulement 33 ans au printemps 1842. Chopin le veille jusqu’au dernier jour et sa mort est un coup terrible pour lui.
Une vingtaine d’années auparavant, c’est la sœur de Frédéric Chopin, Emilia, qui décède de cette maladie en 1827.
Malgré la tentative de guérison par une retraite à Majorque suggérée par sa compagne George Sand en 1838-1839, l’état de santé de Frédéric Chopin ne s’améliore guère et la Faucheuse emporte l’illustre compositeur en 1849 à l’âge de 39 ans.
Encore aujourd’hui, les circonstances du décès de Chopin restent soumises à interprétation médicale. En effet, une équipe de scientifiques a été autorisée à observer le cœur de Chopin qui repose, telle une relique, dans une urne de cristal remplie de cognac placée dans un pilier de l’église de la Sainte-Croix de Varsovie, en Pologne.
En examinant le cœur, ils ont constaté qu’il était recouvert d’une fine couche de fibres blanches, avec de petites lésions apparentes, qui peuvent faire penser aux symptômes d’une autre maladie… qui serait génétique !
En 2008, des scientifiques avaient voulu effectuer des analyses ADN pour prouver que le musicien n’était pas mort d’une tuberculose, contrairement à ce qui est affiché sur son certificat de décès, mais d’une mucoviscidose. Leur demande avait été rejetée par le ministre polonais de la Culture, de peur d’abîmer irréversiblement l’organe.
Sélim Ennjimi & Min-Jung Kym