Gaspard Dehaene est un artiste qui nous enchante les oreilles grâce à son approche pianistique noble et sensible depuis maintenant plusieurs années.
Tombé amoureux des compositions de Chopin (mais pas que) au zénith de son adolescence, c’est ce compositeur-phare qui a poussé Gaspard Dehaene à s’engager résolument dans la carrière de pianiste professionnel, délaissant alors sa passion du tennis qu’il pratiquait en compétition. Un choix payant pour Gaspard Dehaene qui nous invite à prendre rendez-vous en juin 2021 pour la sortie de son troisième album « À la Mazur », dédié au compositeur polonais.
Bonjour Gaspard, pouvez-vous nous partager votre état d’esprit actuel ?
Gaspard Dehaene : J’oscille entre pessimisme et optimisme… La vie doit triompher donc j’essaye de garder le cap en espérant avoir à nouveau des jours heureux après la tempête ! Je me suis désintéressé des informations [NDLR : actualités autour de la crise sanitaire] afin de ne pas me laisser démoraliser par le flou ambiant. On continue d’avancer !
Qu’est-ce que vous appréciez chez vos partenaires de scène lorsque vous en avez ?
G.D : J’apprécie leur aptitude à écouter, à être curieux et leur souplesse pendant un concert. La scène est le lieu où l’on peut expérimenter de nouvelles choses et s’affranchir de la rigueur du travail de répétition. La scène est à la fois le but du travail mais aussi le moment, le lieu où l’on s’en affranchit… inspiré par la présence du public.
Avez-vous un rituel d’avant-scène ?
G.D : Cinq minutes avant d’entrer sur scène, j’essaye de me mettre dans « une bulle mentale » où je peux vider mon esprit, afin d’être le plus spontané possible. C’est comme une sorte de méditation, pour parvenir au calme nécessaire et à la joie du moment à venir.
Quel est votre loisir préféré lorsque vous n’êtes pas en concert ou en répétition ?
G.D : Sans hésitation : jouer au tennis, ou le regarder ! C’est un sport que j’ai énormément pratiqué dans mon enfance et adolescence, et que j’ai dû mettre de côté pour la pratique professionnelle du piano.
© Photo : Thomas Morel-Fort
Si vous n’aviez pas été musicien, quel métier auriez-vous rêvé de faire ?
G.D : Si je vous dis tennisman, seriez-vous étonné ? *rires*. Cependant avec du recul, je pense que cette aspiration aurait été extrêmement difficile, si ce n’est quasi-impossible… Mon rêve en tant que tennisman professionnel aurait été d’arriver dans le top 10 mondial afin de pouvoir confronter les stars de la balle jaune comme Nadal ou Djokovic par exemple.
Contrairement au monde de la musique, la compétition sportive est, à mon sens, beaucoup plus féroce avec la notion de classement. Arriver au niveau des meilleurs joueurs du monde demande talent, travail, sacrifices… et même une part de chance, alors que la musique peut être compétitive par moment, notamment avec les concours que l’on passe en tant que jeune musicien, mais elle est plus généreuse : elle se nourrit aussi de la vie, des rencontres, des lectures et des expériences. Elle célèbre la diversité, car il est impossible de désigner “le ou la meilleur(e)”.
© Photo : Thomas Morel-Fort
Il incombe à chacun de garder sa passion et son ardeur du travail pour offrir aux mélomanes des moments d’évasion, c’est tout, ou presque ! *rires*
Dans un monde parallèle où vous seriez une star du tennis, face à quel joueur auriez-vous voulu faire un duel ?
G.D : J’aurais adoré passer quelques journées d’entrainement avec Rafael Nadal. C’est un joueur pour lequel j’ai beaucoup d’admiration, c’est un combattant exceptionnel, qui m’a fait vivre de nombreux moments d’adrénaline extrême, plus intenses que bon nombre de films dits “de suspense” ou “d’action”.
Quel est le duel de tennis qui vous a le plus marqué dans votre vie ?
G.D : Il y en a tellement, c’est cruel de devoir choisir ! *rires*. Il y a eu dans les années 1990/2000 l’ère Sampras-Agassi, époque à laquelle je me rêvais tennisman, mais dans les 20 dernières années, il est évident que les deux joueurs les plus emblématiques pour leurs affrontements sont Roger Federer et Rafael Nadal.
Dans quelle ville du monde rêveriez-vous de poser vos valises ?
G.D : Je prends depuis quelques mois des cours d’Allemand, et je découvre à travers la langue le pragmatisme, la rigueur de la mentalité allemande. Difficile de choisir une ville en particulier mais mon cœur balance entre Hambourg et Munich, que j’ai déjà visitées.
Hors Allemagne, je crois que j’irais en Italie ou sinon en Espagne, peut-être à Séville que je trouve somptueuse… Mais où que j’aille, je suis toujours très heureux de revenir en France.
Quel est le son que vous aimez entendre par-dessus tout ?
G.D : Hormis les sons de mon piano, quand ils sont harmonieux, j’ai un faible pour le bruit du décapsulage d’une boîte de balle de tennis… qui s’accompagne évidemment de l’odeur du feutre des balles neuves, synonymes d’une bonne partie à venir !
Quel est le livre que vous emportez avec vous en ce moment ?
G.D : Je suis en train de lire « Les deux étendards », un roman de Lucien Rebatet, qui était l’un des livres préférés de Mitterrand. C’est un livre qui parle d’amour et d’amitié, et du catholicisme de l’époque (l’action se déroule dans les années 1920). Michel, un jeune homme de 20 ans tiraillé entre son désir de mysticisme et sa soif des plaisirs terrestres, tombe amoureux d’une fille, à Lyon, et s’interroge sur la religion catholique : comment celle-ci peut transcender ou au contraire inhiber l’amour le plus ardent… Livre passionnant, impossible à résumer de façon satisfaisante !
Le héros ou la héroïne que vous admirez le plus ?
G.D : Sans surprises je dirais Rafael Nadal ! Avec ce que j’ai énoncé précédemment, j’ajouterais d’une façon plus générale qu’il est pour moi un exemple de professionnalisme et de probité. Hormis son mental de gagnant, il affiche sans honte ni prétention, ses valeurs de respect de la famille, du sport, de l’importance de l’éducation… <D’ailleurs il faut souligner que son yacht s’appelle le “Beethoven”, ce n’est pas anodin ! *rires*
Quel est votre compositeur préféré ?
G.D : C’est une question très difficile ! Cependant, si je devais vraiment en choisir un, je dirais … Beethoven. Ce compositeur a transcendé l’Humanité et est pour moi comme un Dieu terrestre, qui souhaitait réunir ses “frères humains” comme il le disait.
Avez-vous un peintre ou un photographe favori ?
G.D : Je suis très impressionné par le génie de Léonard De Vinci et sa capacité hors-normes à exceller dans de nombreux domaines artistiques et scientifiques. Je ne connais pas d’autre personnage de l’Histoire aussi polyvalent et prolifique, qui ait atteint une telle perfection.
Qu’est-ce que vous détestez par-dessus tout ?
G.D : La lâcheté morale.
Le don que vous souhaiteriez avoir ?
G.D : Voler. Pouvoir se mouvoir partout quand on le souhaite, cela doit être formidable !
Quel est votre souvenir de scène le plus cocasse ?
G.D : Celui qui me revient maintenant, c’est lorsque j’ai eu un début de fou-rire nerveux à New-York en 2017 durant la représentation des “Vexations” d’Erik Satie. Il s’agit d’un morceau particulier : on doit répéter une page très ennuyeuse, 840 fois ! Cela dure de 20 à 24 heures, donc ce sont souvent plusieurs pianistes qui se relaient, sans interrompre le motif tournant en boucle.
Juste avant mon tour, je me tenais sur scène à côté de ma mère, et j’ai eu un début de fou-rire nerveux, qui me forçait à tourner la tête vers les coulisses pour ne
pas la contaminer…! *rires* Heureusement il s’est étouffé une fois que j’ai commencé à jouer.
Pour conclure, quelles sont les 3 dernières pièces que vous avez écoutées (et que vous nous recommandez) ?
Merci Gaspard Dehaene.
Gaspard Dehaene vous propose courant juin 2021 via le label 1001 Notes son troisième album de soliste intitulé « À la Mazur », une ode en l’honneur de Frédéric Chopin.
Voir sa biographie : ici