Degiheugi est un beatmaker (ou concepteur rythmique dans la langue de Molière) de renom dans le paysage musical francophone. Il cisaille, entremêle et « cuisine » divers rythmes musicaux, dont il puise les ressources dans une incessante quête du « beat » parfait. Connu dans le milieu du hip-hop et de la musique électronique pour nous proposer des samples d’une grande poésie, il a choisi, pour son nouveau projet artistique, de rompre avec les codes du « 100% numérique » pour laisser une place non-négligeable aux instruments analogiques et classiques.

Il se produira le 19  juillet au Festival 1001 Notes avec l’Orchestre symphonique 1001 Notes pour le projet Degiheugi Orchestra, le beatmaker se donne le défi de faire marcher ses machines à sons en tandem avec un orchestre, et de vous inviter à découvrir avec les oreilles une odyssée électro-symphonique pleine de promesses qui saura vous immerger dans une dimension cinématographique magnifiée par une relecture orchestrale inédite de 14 pépites du répertoire de Degiheugi.

Clins d’œil aux compositeurs de musique de films Ennio Morricone, Lalo Schifrin ou François de Roubaix, pluies de cordes romantiques, vents éclatants et flûtes virevoltantes y flirtent sans complexe avec guitares wah-wah, contrebasse jazzy et rythmes hip-hop…

Festival 1001 Notes : Bonjour Degiheugi, qui êtes-vous et comment pourriez-vous nous définir le courant musical auquel vous êtes affilié ?

Degiheugi : Je suis compositeur et beatmaker dans la scène hip-hop. Concernant mon courant musical, on le définit comme abstract hip-hop, c’est-à-dire un sous-genre du hip-hop qui se plaît à modeler et travailler, toujours et sans relâche, les textures et les sonorités de morceaux à l’identité si caractéristique (ndlr : Rap, Jazz, Soul…) afin d’en faire ressortir des morceaux originaux. On fait fi de tous les codes revendicatifs et musclés du rap pour proposer des compositions instrumentales enivrantes, contemplatives et insouciantes… bref du hip-hop sans frontières musicales.

Festival 1001 Notes : Comment êtes-vous arrivé à vous intéresser à ce genre plutôt expérimental considéré encore comme de niche en france ?

Degiheugi : Dans le début des années 2000, je faisais partie d’une formation rap en France et l’on m’avait cantonné au poste de DJ. À l’époque, le DJ dans un groupe de hip-hop, c’était un peu la bibliothèque des sons de la formation. Je devais trouver les instrumentales, les réaliser afin que les rappeurs puissent poser leurs textes par-dessus. Cela m’a obligé à « digger » toujours plus pour trouver les perles rares sonores et c’est ainsi que je suis venu m’intéresser à ce courant musical. C’est aussi en écoutant les albums des fers de lance de la discipline comme DJ Shadow ou encore J Dilla que j’ai fini par me spécialiser dans ce genre, de l’explorer, en solo.

C’est ainsi que le projet Degiheugi est né en 2005.

Festival 1001 Notes : Donc si l’on entend bien, la plus grosse étape dans votre travail est le fameux « diggin », c’est-à-dire la recherche des sons ?

Degiheugi : Absolument. C’est une étape tellement aléatoire dans l’espace-temps. Au-delà de l’aspect recherche des vieux disques ou de vieux extraits sonores, je vais prendre quelques mois comme parfois plusieurs années entre deux albums afin de pouvoir « sampler », c’est-à-dire entremêler et connecter mes découvertes pour ensuite créer quelque chose d’unique. En général, lors de mon processus créatif, je pars d’un échantillon fétiche qui me sert en quelque sorte de toile blanche, que je vais ensuite faire évoluer avec une constellation d’autres sonorités qui vont être posées comme pour le travail chromatique d’un peintre.

Festival 1001 Notes :  Vous êtes originaire de Saint-Malo et vous semblez vivre aujourd’hui en Mayenne. Cependant, votre page Bandcamp indique que votre lieu de résidence est en Polynésie Française. Info ou intox ?

Degiheugi : rires. C’est une grosse blague qui date de la création de mon compte Bandcamp. Je n’ai plus souvenir de pourquoi j’ai mis cette adresse, mais c’était pour rire. Mais je vous rassure, je vis bel et bien toujours en Mayenne, même si être au soleil en Polynésie m’intéresserait fortement !

Festival 1001 Notes : Après près de 20 ans dans « le game », quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Degiheugi : Quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne m’attendais à rien. Je faisais cela avant tout pour répondre à cet appétit viscéral de la création, pas nécessairement pour répondre à un objectif de pouvoir vivre de cette passion ou bien d’accéder à la notoriété. Aujourd’hui, je me sens chanceux que ma carrière ait évolué au-delà de mes espérances. J’arrive à vivre de ma passion, de me consacrer à 100% à la création et à la diffusion de mes sons. C’est un véritable bonheur.

Festival 1001 Notes : Vous n’êtes pas seulement un artiste puisque vous dirigez également votre propre label. Pourquoi ne pas avoir sous-traité ce travail ?

Degiheugi : Je me considère comme un artiste indépendant et c’est primordial pour moi de rester dans une culture 100% DIY (NDLR : Do it Yourself ou « Fais-le toi-même »). De plus, ce travail de responsable de label me permet aussi de changer de casquette et diversifier mes activités, ce qui est essentiel pour moi afin que la création musicale reste un réel plaisir et non pas la ressentir comme un travail au sens stricto sensu du terme.

Festival 1001 Notes : Quelle est votre lien avec la musique classique, est-ce une relation distanciée ou fait-elle partie de votre quotidien ?

Degiheugi : J’ai plongé dans la musique classique grâce aux bandes originales de films. Hans Zimmer, Ennio Morricone ont été mes « parrains » qui m’ont donné envie d’en savoir plus. Pour être honnête, je m’intéresse plutôt à la musique classique contemporaine qui sait se mélanger aux musiques amplifiées.

Festival 1001 Notes : Nous sommes ravis de vous accueillir en juillet prochain pour le Festival 1001 Notes 2024 à Limoges. Vous allez nous proposer « Degiheugi Orchestra », un projet inédit où vous mêlez votre univers accompagné d’un orchestre symphonique. D’où est né ce projet ?

Degiheugi : Comme je le disais précédemment, cela fait près de 20 ans que je travaille ma musique seul dans mon studio. J’avais envie de partager cela avec des musiciens depuis plusieurs années, surtout que je vois ma musique comme très cinématographique, un peu comme des bandes originales de films des années 70. Après avoir échangé avec la SMAC de Laval (NDLR : Scène Musiques Actuelles Conventionnée), j’ai eu l’opportunité de rencontrer l’ensemble instrumental de Mayenne qui m’a aidé à co-construire le projet pendant deux ans.

Échanges avec l’orchestre, arrangements des titres, synchronisations… Ce fut un long travail d’orfèvre mais je suis ravi du résultat et je suis impatient de partager ce travail avec vous.

Festival 1001 Notes : Qui donne le tempo entre l’orchestre et vous même lors des interprétations ?

Degiheugi : C’est une mécanique de précision ! L’orchestre suit Chloé Meyzie (NDLR : Cheffe d’orchestre de symphonique 1001 Notes et de la Mayenne avec lequel il a créé le projet), et Chloé me suit si l’on peut dire cela ainsi. Je donne le tempo avec mes morceaux et l’orchestre me suit sur la partie rythmique de mes titres. C’était une expérience géniale qui a demandé beaucoup de résilience et je ne peux que remercier la cheffe d’orchestre qui a su comprendre mon esthétique et transmettre aux musiciens de l’orchestre les bons ordres pour garder cette cohérence rythmique de mon univers musical.

Je tiens vraiment à saluer l’orchestre car ils ont su vraiment suivre de manière presque « militaire » le tempo de la musique électronique que je propose. C’était essentiel que tout le monde puisse être bien coordonné sur ma rythmique, et c’est un grand succès.

Festival 1001 Notes : Pour conclure, à quoi doit-on s’attendre du public du Festival 1001 Notes lorsque vous serez à Limoges derrière vos machines et accompagné d’un grand orchestre ?

Degiheugi : Nous avons hâte de jouer à Limoges, surtout que ce sera l’occasion de relever un beau défi pour nous. En effet, l’orchestre est habituellement configuré de 20 musiciens et pour le Festival 1001 Notes, nous avons décidé de voir les choses en grand. Je serai accompagné de 80 musiciens ! Donc je peux vous promettre que cela sonnera encore mieux que d’habitude !

Festival 1001 Notes : Merci Degiheugi.

Achetez vos billets pour voir ce spectacle le 19 juillet au Festival 1001 Notes

 

Retrouvez l’univers de Degiheugi sur son site internet, Instagram et Bandcamp et la page concert .
La programmation complète du festival 1001 Notes 2024 est à retrouver ICI