Comment la K-POP a-t-elle conquis le monde ?

Comment la K-POP a-t-elle conquis le monde ?

jeudi 6 mai 2021

Retour en 1992. Trois jeunes hommes issus d’un boys band se présentent pour une émission de télévision en direct, très semblable à « The Voice » actuellement. Le son est nouveau : paroles en coréen, Euro pop, hip-hop africain-américain et rap. Ils dansent en rythme. Le public de l’émission adore et en devient fou. Mais les juges sont moins impressionnés. Au moment où ils dévoilent leurs notes, le groupe obtient la pire note de la soirée et est exclu de l’émission. Les juges n’auraient pu se tromper davantage.

Les jours suivants, la chanson « I Know » progresse dans les classements jusqu’à arriver au sommet des ventes de disques et y rester pour une période remarquable de dix-sept semaines. Cette nuit-là, durant cette émission, le groupe « Seo Taeji and Boys » avait lancé une véritable révolution. La pop coréenne, ou « K-pop », était née.

La K-pop est désormais une industrie qui se chiffre en milliards de dollars. Des groupes comme BTS ou Blackpink vendent leurs places pour des concerts aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et partout dans le monde en quelques minutes. En 2019, ce style musical avait plus d’un million de fans officiels et enregistrés en France. Mais comment la K-pop a-t-elle conquis le monde ? C’est en fait une histoire en plusieurs parties.

La révolution sera télévisée ou ne sera pas

Durant les années 1990, les jeunes Sud-Coréens écoutaient surtout de la musique occidentale, et la musique coréenne visait plutôt la génération de leurs parents. Cela commença toutefois à changer en 1992. « Sao Taeji and Boys » surprit tout le monde avec cette unique représentation sur la scène d’une émission télévisée diffusée en direct devant des millions de foyers sud-coréens. Le groupe ouvrit la porte à une génération de jeunes artistes coréens inspirés pour créer leur musique en utilisant des influences venues des quatre coins du monde.

A la fin de la décennie, des artistes majeurs comme Clone parvinrent même à percer en Chine et à Taïwan. A l’époque, le Graal était le marché de la musique au Japon, et sa conquête débuta en 2002 lorsque les deux pays (Japon et Corée) accueillirent ensemble la Coupe du Monde de Football.

La naissance du Hallyu

Le terme « Hallyu » a été forgé pour décrire le phénomène d’expansion de la culture sud-coréenne à travers le monde et sa popularité croissante. La K-pop et le K-drama conquirent d’abord d’autres nations asiatiques, en Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est surtout. A partir de 2008, la K-pop avait encore grandi et atteignait désormais une base de fans en-dehors de l’Asie. Contrairement à la Chine et au Japon, où les principales plateformes de réseaux sociaux utilisées sont nationales, les entreprises coréennes se sont emparées des sites mondiaux – Facebook, Twitter et YouTube – et la K-pop est devenue disponible sur toutes les plateformes musicales du monde. Conséquence : les fans à travers le monde, s’ils l’avaient vu, entendu, aimé et voulu, pouvaient immédiatement changer de site et télécharger une chanson, l’acheter ou l’écouter en ligne. Les groupes de K-pop sont fabriqués pour le succès, musicalement, mais aussi visuellement. Des chorégraphies et danses parfaitement exécutées, des clips dignes du plus grand cinéma, des vêtements colorés et des accroches attractives dans les chansons elles-mêmes sont en effet la recette du succès pour un public international, en particulier pour les adolescents. A la fin des années 2000, les groupes coréens étaient connus à travers presque toute l’Asie, et la K-pop commençait à laisser sa marque sur l’époque. L’alliance parfaite d’un marketing et de publicités internationales avec un marché des ventes et du streaming de plus en plus mondial.

Gangnam Style

Ce mariage parfait est parfaitement illustré dans – il nous faut bien en parler… – Psy et Gangnam Style en 2012. Cette célébrité inconnue en-dehors de Corée a totalement explosé les records et les règles de ce qu’il faut pour faire un numéro un, non seulement aux Etats-Unis, mais à travers le monde entier.

Psy n’était pas une version coréenne d’une pop-star. Il était la version coréenne de Psy, et c’est finalement ce que le monde voulait.

Ce succès prouva que l’on pouvait connaître un triomphe international sans chanter en anglais ni être vraiment à la mode. Le pouvoir du clip dépassait toutes les langues. Une seule des vidéos officielles de Gangnam Style sur YouTube atteignit plus de trois milliards de vues, un chiffre historique à l’époque.

Bien que Gangnam Style fut plus une chanson « gimmick » dans le monde de la K-pop, cela ouvrit une nouvelle dimension et une base mondiale de fans était née. Des gens de tous les pays commencèrent à écouter de la K-pop dans une ampleur jamais vue auparavant. Les fans faisaient de ces clips des vidéos au succès immense, avec des compteurs YouTube atteignant des niveaux invraisemblables en quelques heures seulement. Ces vidéos étaient désormais visibles sur tous les comptes YouTube, et la vague coréenne avait ainsi atteint le monde entier.

Streaming, streaming, streaming

Aujourd’hui, les producteurs de musique en Corée du Sud sont des maîtres pour fabriquer des produits au succès considérable. La K-pop n’est pas seulement un produit fait pour la Corée ou fait en Corée, mais fait par la Corée. Dans les dernières années, les bases de fan ont grandi partout dans le monde, et chaque groupe de K-pop ou presque a maintenant sa propre légion de défenseurs, prêts à soutenir leur artiste favori au sommet des plateformes numériques et à exploser tous les records.

BTS (Bangtan Boys), l’un des boys-band coréens les plus populaires, a sorti son single « Boy With Luv » en avril 2019 et a obtenu un succès immédiat. Son clip est devenu la vidéo musicale la plus vue de l’histoire en moins de 24h, quelques jours seulement après que Blackpink, un groupe coréen féminin, avait réalisé le même exploit avec « Kill This Love ». La K-pop avait désormais atteint les classements aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au France et en Australie, et elle était là pour rester, grâce à des visuels spectaculaires, des singles accrocheurs et des chorégraphies trop simples pour ne pas être des succès monstre – même avec deux pieds gauches. La pop ne serait rien sans des titres accrocheurs et des paroles faites pour le karaoké. La K-pop n’est pas différente, avec des mélodies qui s’impriment immédiatement dans votre esprit.

Les boys- ou girls-bands diffusent des paroles faciles, rendant leur musique attractive pour les fans parlant n’importe quelle langue.

Si la K-pop est bien un produit commercial populaire, comment est-elle fabriquée ?

La première fois que j’ai eu l’occasion de croiser un clip de K-pop (en ligne, évidemment !), j’ai été impressionnée par la qualité de sa production, les couleurs et les sons. Tout semblait irréel. Et c’est là la clé du succès de la K-pop.

Comme en occident, les groupes de musique sont finement et précautionneusement construits. Mais en Corée, cette règle est menée jusqu’à l’extrême. Elle est bien plus ciblée. Les adolescents intéressants sont repérés, chassés et recrutés. Ils débutent à un âge très précoce et vous pouvez être recruté simplement parce qu’un collaborateur de l’agence vous a vu dans un centre commercial et vous a trouvé magnifique.

On compte trois principales agences avec près de 200 apprentis pour chacune d’elles. Et il y en a bien sûr d’autres, plus modestes. Mais tous les groupes de K-pop apparaissent de cette façon. Les recrues peuvent ensuite rester vivre avec leur famille, ou dans des internats. Leur vie est strictement contrôlée et scrutée.

Pas que du glamour

Dans les dernières années, un nombre croissant de stars de la K-pop ont reconnu rencontrer des problèmes de santé d’ordre psychologique. L’année 2017 fut également marquée par un suicide qui fit la une des journaux : Jong Hyun, chanteur principal de l’un des principaux groupes SHINee, mit fin à ses jours à l’âge de 27 ans en laissant d’après la rumeur une note à un ami où il évoquait ses problèmes de dépression liés à sa célébrité. Une autre star bien connue, T.O.P, fit une overdose avec des anxiolytiques.

Soft power

Toutefois, plus la K-pop a grandi en popularité, plus l’élite coréenne s’est montrée intéressée. Les dirigeants d’entreprise et responsables politiques se sont aperçus qu’ils devaient investir de nouveaux champs. La seule préoccupation des jeunes Coréens était soit les séries, soit la musique populaire coréennes.

Le gouvernement a commencé à apporter un soutien à l’industrie musicale à travers des crédits d’impôts. Ils ont également offert des subventions à des universitaires pour appuyer la popularité du genre et pour encourager des ambassades étrangères à mettre en avant certains groupes. Cela a fonctionné et a apporté encore plus d’argent. Et ça ne s’est pas arrêté là.

L’impact de cette vague n’est bien sûr pas seulement financier, mais également diplomatique, avec une popularité et une influence coréenne croissantes à l’étranger. Ainsi, certains acteurs de la cosmétique, de la chirurgie esthétique ou d’autres secteurs de l’industrie de la beauté utilisent la K-pop pour promouvoir leur image, en indiquant que les produits et services sud-coréens que vous pouvez y utiliser vont vous rendre aussi beaux, à la mode et élégants que les stars de la K-pop. Kim Ki-Soo, mieux connue par ses millions de fans sous le pseudonyme de Jisoo of Blackpink, a ainsi récemment été nommée ‘Global Ambassador’ de Dior pour la mode et la beauté.

© K-GEN

La K-pop fait partie du processus de métamorphose de la société en Corée du Sud. Des milliers d’étrangers se rendent désormais dans ce pays pour mieux en connaître la langue, vivre l’expérience coréenne, et danser sur des hits de K-pop dans le pays où tout a commencé.

Comment la K-pop a-t-elle conquis le monde ? Grâce à un design intelligent et un génie du marketing. Mais la K-pop est aussi autre chose : c’est l’expression de la culturelle coréenne et d’un gouvernement ravi de capitaliser sur son succès.

 

MIN-JUNG KYM