Interprète de renommée internationale, le pianiste russe Mikhaïl Rudy sera de passage cet été en Limousin : avec son fils, l’artiste électro Sacha Rudy, il se produira sur la scène du Festival 1001 Notes lors d’un concert qui promet d’être une expérience visuelle et auditive peu commune. Entretien avec Rudy, père.
Mikhaïl Rudy, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous actuellement ?
« Difficile à dire… Je suis plein d’énergie, plein d’envie de faire des choses, et je suis stoppé dans mon élan depuis un an et demi déjà. C’est une année où on prépare les choses, je travaille autant qu’avant et à chaque fois il y a une sorte d’incertitude, donc c’est assez étrange. Mais je considère ça aussi comme une opportunité de monter de nouveaux projets et de faire quelque chose de créatif de cette contrainte qui ne dépend pas de nous. Ce qui est sûr c’est que j’ai très envie de retrouver le public.
Pour le public qui ne vous connaît pas encore, comment décririez-vous votre musique ?
Je suis surtout interprète de musique classique. Il y a un compositeur qui disait que les mots ne sont pas suffisamment précis pour décrire l’émotion que suscite la musique, donc j’essaye de faire passer les émotions présentes dans les partitions des grands compositeurs auxquels j’ajoute ma sensibilité. C’est quelque chose qui est difficile à décrire, et je ne peux pas en tant qu’interprète définir la musique de ces grands compositeurs, car ce n’est pas la mienne, et chacun est libre de la recevoir comme il le souhaite.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres interprètes de musique classique ?
Ce qui me différencie des autres interprètes, c’est sûrement ce goût pour l’expérimentation. Dès l’adolescence j’ai été très influencé par ce courant de l’art total qui a commencé il y a très longtemps dans la Grèce antique, mais qui a été relancé par Wagner. Il s’agit d’un univers dans lequel plusieurs formes d’art cohabitent et composent une seule et même œuvre. Je m’intéresse donc à la collaboration entre les différentes formes d’art. Ce concert à Limoges prévu cet été, c’est un peu le résultat de mes recherches dans ce domaine : ici la musique cohabite avec la peinture et le cinéma d’animation.
À quoi doit s’attendre le public qui assistera à votre concert ?
Une des choses que vous pourrez voir et entendre sera un film d’animation. Il s’agit d’un film que j’ai réalisé moi-même à partir d’esquisses du peintre Vassily Kandinsky qui datent des années 1920 et que j’ai choisi d’accompagner avec la musique du compositeur Moussorgski (« Tableaux d’une exposition »). La projection va donner à voir ce qu’aurait pu être le spectacle de Kandinsky, car aujourd’hui il ne reste de ce spectacle que des esquisses.
Le public pourra aussi écouter la musique de mon fils, Sacha Rudy, et celle de son prochain disque. Sacha l’a écrite, composée et il chante, c’est une musique pop électro, une musique d’aujourd’hui. On fait des choses différentes tous les deux, mais on a cette même ouverture sur les autres formes d’art, ce sera donc dans le même esprit. Le principal, c’est que ce soit quelque chose d’accessible et de grande qualité. Nous voulons donner un concert festif, tout en réservant des découvertes au public, plutôt que de donner un concert ordinaire.
C’est quelque chose qui est important pour vous que votre musique soit accessible ?
Oui bien sûr ! Il ne faut pas négliger le public. Quand je parle d’accessibilité, je parle de différents publics, de différents âges, de différents niveaux d’éducation… Il est important pour moi que ces gens soient touchés par une bonne musique, qu’il s’agisse de pop ou de classique. Quelque part, il n’y a que de la bonne ou de la mauvaise musique. Je suis donc très ouvert musicalement, et c’est pour ça que la programmation du festival 1001 Notes me plaît beaucoup.
Vous avez collaboré avec des artistes assez étonnants pour un interprète de musique classique, notamment avec le DJ Jeff Mills…
Dans la musique de Jeff, j’ai trouvé des liens avec certains musiciens classiques que lui-même ne soupçonnait pas. On a eu beaucoup de plaisir à explorer nos musique, pour montrer qu’il n’y a pas de musique classique, ni de musique électro, mais simplement de la bonne musique ou de la mauvaise musique. Et je pense que quand il y a de la bonne musique, le public adhère. L’objectif n’est pas de faire la musique pour le public, mais de faire en sorte qu’elle soit tellement évidente qu’elle parle à tout le monde. Mélanger les genres n’est pas une obligation ; la musique classique peut rester classique et la musique électronique peut rester électronique. Il faut faire ces mélanges si on en a vraiment envie. Il ne faut faire que les choses que l’on ressent profondément. »
Propos recueillis par Paul Lemarchand
Relisez l’entretien accordé par Mikhaïl Rudy, consacré à son adaptation des « Tableaux d’une exposition ».
Le nouveau single de Sacha Rudy, « Eyes Wide Shut », extrait de son prochain projet, sort ce vendredi 30 avril. Rendez-vous ici pour le découvrir.