Romain Leleu « On peut adorer la musique d’un film qu’on déteste. »

Romain Leleu « On peut adorer la musique d’un film qu’on déteste. »

mercredi 7 juin 2023

 

 

Lauréat de nombreux prix depuis son adolescence, Romain Leleu mène une brillante carrière de trompettiste soliste. Dans le cadre de la préparation du spectacle Cinéma Symphonique  programmé au Festival 1001 Notes, il nous parle de la place particulière que tient la musique de cinéma dans son répertoire. 

Pouvez-vous vous présenter brièvement, nous parler de votre parcours et de vos actualités artistiques ?

Je suis originaire de Lille, et je mène depuis plusieurs années une carrière de concertiste. J’ai étudié au CNSMD (Conservatoire National de Musique et de Danse) à Paris puis en Allemagne, à l’école de musique de Karlsruhe. En 2009, j’ai j’ai été élu « Révélation instrumentale » aux Victoires de la musique classique, ce qui m’a ouvert des portes dans le monde entier. Je joue en tant que soliste, en récital, ou avec mon ensemble, Romain Leleu Sextet. 

Au mois de juin, je pars en tournée au Canada en duo avec mon frère en concerto à Hong Kong en juillet, puis en Allemagne, où je joue régulièrement. Je jouerai également dans plusieurs festivals en France cet été.

« Dans la musique de cinéma, il y a plein d’oeuvres dans lesquelles la trompette apparaît, sans que l’on y prête attention. »

 

Vous avez donc créé le Romain Leleu Sextet, avec lequel vous jouez régulièrement, comment ce projet a-t-il marqué un tournant dans votre carrière ?

C’est un ensemble que j’ai créé en 2010, suite à la rencontre avec un quintette à cordes. Le principe étant de jouer des pièces qui n’ont pas nécessairement été composées pour la trompette, cela m’a permis d’élargir mon répertoire. Nous avons créé plusieurs disques, dont le dernier qui s’appelle Faces à Faces, sorti chez Harmonia Mundi il y a un an. J’en ai ensuite fait un autre en tant que soliste, Move, autour de la trompette dans la musique de film, qui fera l’objet du concert du 29 juillet 2023. 

Qu’est-ce qui vous a motivé dans la création d’un spectacle sur la musique de film?

Dans la musique de cinéma, il y a plein d’oeuvres où la trompette apparaît sans forcément que l’on y prête attention. C’est le cas notamment dans Une poignée de Dollars, Le Parrain, La Strada …. C’est un instrument très souvent utilisé, avec beaucoup de solo. J’ai élaboré ce projet en collaboration avec mon label. Il contient des oeuvres où je suis entouré de mon ensemble, d’autres où je suis aussi accompagné d’un trio de jazz ou d’un orchestre.

Etes-vous systématiquement fidèles aux partitions originales ou s’agit-il d’adaptations ?

La plupart du temps, cela passe entre les mains de l’arrangeur avec qui je travaille depuis 10 ans.  Pour Ascenseur pour l’échafaud,  nous avons collaboré avec Ibrahim Maalouf,  veillant à ne pas faire une pâle copie de l’original. Parfois les orchestrations vieillissent un peu, j’essaie donc d’apporter quelque chose de nouveau, de plus symphonique.

Vous avez été directeur artistique du Festival Musical de Saint Yrieix dans la région du Limousin. Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette expérience ? 

C’était il y a plus de 15 ans et cela n’a pas duré.

La dernière fois que je suis venu à Limoges, c’était pour 1001 Notes. Je suis venu régulièrement dans la région, et c’est un public que je me réjouis de retrouver. L’été, c’est un public souvent de passage,  constitué de gens désireux de passer un bon moment et particulièrement curieux. L’enjeu est de réussir un savant mélange de ce qu’ils ont envie entendre et de ce que nous voulons leur faire découvrir. C’est passionnant. 

« Jouer les thèmes d’un film, c’est comme une prise de rôle, car plein d’images nous viennent en tête »

 

Comment avez-vous sélectionné les musiques de film pour le concert Cinéma Symphonique ? Y a-t-il une oeuvre en particulier que vous êtes impatient de jouer ?

Je fonctionne beaucoup au coup de coeur. Jouer les thèmes dun film est comme une prise de rôle, car plein dimages nous viennent en tête et nous replongent dans son univers. J’ai une affection particulière pour la musique du film Le Parrain, notamment la fameuse valse composée par Nino Rota.  Pour moi, il est l’un des plus grands compositeurs de musiques de films. 

On peut aussi adorer la musique d’un film qu’on déteste. Par exemple, je n’aime pas particulièrement Ascenseur pour l’échafaud mais j’adore la musique de ce film.  Même le contexte d’enregistrement est intéressant: Miles Davis avait été sollicité pendant qu’il était à Paris, amoureux de Juliette Greco. Il l’a enregistrée au moment-même du tournage, avec des musiciens de jazz inconnus. Les scènes que l’on en voit dans le film montrent que tout n’est qu’improvisation.  C’est grâce à cet enregistrement que sa carrière a explosé. Pas grâce au succès du film, mais à sa présence en tant que compositeur.

Pouvez-vous nous parler de la préparation pour le concert en termes de répétitions avec les choristes et les musiciens ?

C’est un programme dont on parle depuis plusieurs mois avec Albin de La Tour, spécialement pour cette soirée du festival. L’idée de départ était de créer un spectacle sur les musiques de James Bond.  Finalement, l’orienter sur le cinéma en général est plus intéressant.  J’aime l’idée que ce concert  soit un moment unique, car ce n’est pas un spectacle qui va tourner. C’est un moment exclusif, c’est beaucoup d’énergie, mais c’est passionnant. 

 

Propos recueillis par Morgane Gander