LE HIP - HOP: DES RUES DE NEW-YORK AU PATRIMOINE CHOREGRAPHIQUE MONDIAL

LE HIP – HOP: DES RUES DE NEW-YORK AU PATRIMOINE CHOREGRAPHIQUE MONDIAL

mercredi 19 avril 2023

…et à la programmation de Folia au Festival 1001 Notes !

 

par Morgane Gander

Amelin Chanteloup, compagnie Käfig – Festival 1001 Notes (2019)

 

Des productions contemporaines, comme le ballet Folia ( Mourad Merzouki, 2019 ) , Les Indes Galantes  (Bintou Dembélé, Opéra de Paris, 2019), associent aujourd’hui la musique baroque à cette danse initialement libre et improvisée qu’est le hip-hop, révélant prodigieusement leurs correspondances. Quelques étapes clés d’une ascension inattendue d’un genre longtemps circonscrit aux quartiers populaires, de l’underground new-yorkais vers les lumières des plus grandes scènes mondiales. (Et celle de la patinoire ! )

 

Vagues de détresse et incendies : terreau fertile d’un nouveau genre

  New-York, début des années 70. Quartier progressivement déserté par les blancs, le South Bronx devient l’un des plus grands ghettos noirs de la ville. Le nord de Manhattan tombe peu à peu aux mains de gangs, et la souffrance sociale des locataires ne cesse de s’intensifier.

Plutôt que d’y faire face, eux aussi en proie à une misère générale, les propriétaires préfèrent mettre le feu aux immeubles pour toucher l’argent des assurances, payant quelques jeunes des quartiers pour faire le boulot à leur place. Un contraste troublant s’opère alors : celui d’un  paysage qui tombe en ruines, sur fond sonore de musique joyeuse et insouciante, évidée de toute substance sociale. Les stars de la Funk et surtout du Disco, en plein essor, ne disent rien de cette détresse. Animés par la nécessité de raconter le réel, certains afro-américains décident alors de prendre une revanche, pour rendre à la musique sa part de puissance politique. Débutera alors l’ère d’un nouveau revenge song.

 

« Brûle » du livre de Laurent Rigoulet paru en 2016 aux éditions Don Quichotte

De la Jamaïque au South Bronx : le sampling, pierre angulaire d’une révolution 

Difficile, cependant, de produire sans avoir les moyens d’engager un orchestre, et encore moins de s’offrir les services d’un studio. Utiliser ce qui existe déjà s’avère donc être une réponse efficace au manque de moyens. En s’inspirant des techniques de sampling, déjà bien connues des jamaïcains, un jeune type a l’idée de faire tourner des vinyles existants de Funk et de Disco sur deux platines en même temps, et de n’en conserver que les breaks (courts fragments rythmiques), pour les passer en boucle et y ajouter ensuite des paroles improvisées.  C’est de là que vient le hip-hop, danse qui s’improvisait elle aussi au rythme des samples.  

Ce procédé, cependant, n’est pas que l’apanage des mouvements des années 60-70. Si les  jamaïcains et les afro-américains excellaient dans le sampling, les compositeurs baroques au XVII, eux, maîtrisaient le contre-point, complexité harmonique qui fait se jouer deux mélodies simultanément.

Ainsi peut-on considérer, dans un certain sens, que le sampling serait au hip-hop ce que le contre-point est au baroque. Comme un point de convergence entre moderne et classique, une contre-culture esthétique et sociale émerge alors des décombres d’un paysage dévasté.  Plus qu’une simple danse, le hip-hop est une culture à part entière, qui rassemble le rap, le beatboxing, et aussi la pratique du graffiti.

 

Lisa kahane, Savage Skulls (1973)

   

Une fête et un orage : passage vers les étoiles 

A la question de la diffusion, la jeune Cindy Campbell y répond par un soucis de coquetterie. Pour renouveler sa garde robe, elle décide d’organiser un concert payant dans une cave de son immeuble. Aux platines, ce sera son frère Clive, alias DJ Kool Herc, avant d’être propulsé au rang de stars mondiales de sa génération.

En 1977, un autre événement inédit participe à l’avènement du hip-hop. A la suite d’un orage, la nuit du 13 au 14 juillet, un gigantesque black-out prive la ville tout entière d’électricité. Dans la panique générale, la ville se transforme en jungle et les pillages se multiplient. Les commerces de matériel hi-fi, qui fascinent à l’époque, sont les premiers à être vandalisés. Revendus dès le lendemain à prix imbattables, les appareils nécessaires au développement du hip-hop sont désormais accessibles à tous. Armés de platines, virtuoses du rythme et de la pulsations, les mains des deejays reprennent alors  possession d’un monde qui semblait avoir échappé à tout contrôle.  Le hip-hop s’exporte alors hors des ghettos, s’étend progressivement aux quartiers blancs jusqu’à intéresser studios, labels, et producteurs.

Dans le paysage des années 2000, Bintou Dembélé chorégraphie du hip-hop sur la musique de Rameau à l’Opéra de Paris, Mourad Merzouki sur la musique baroque du Concert de l’Hostel Dieu,  Alexandre Tharaud  fait danser un break-dancer sur du François Couperin. Tous montrent, avec brio, que le Hip-hop est aujourd’hui rentré dans les moeurs. 

 

Le 25 juillet,  la compagnie Käfig, dirigée par Mourad Merzouki et accompagnée par le Concert de l’Hostel Dieu, vient embraser la Patinoire de Limoges, et rendre un hommage flamboyant à ses prédécesseurs. 

Pour prendre vos place, c’est ici !