À l’occasion de sa participation au Festival 1001 notes avec Dooz Kawa le 29 juillet 2022, nous avons interviewé Vincent Beer-Demander qui enseigne, joue et compose pour la mandoline. C’est un musicien avec un parcours et des projets passionnants, que le public de 1001 Notes a découvert en 2021, en tant que soliste du concert de Vladimir Cosma. Vincent sera donc de retour cet été au Festival 1001 Notes et il nous présente son actualité.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical ?
J’ai commencé la musique dans un quartier populaire de Toulouse, une école de mandoline venait d’ouvrir dans mon quartier grâce à Francis Morello. Ils sont venus faire une animation qui m’a beaucoup plu et c’est comme ça que j’ai intégré la classe de mandoline à l’âge de 8 ans, au grand étonnement de mes parents.
Par la suite, mon premier choc musicale, c’est la mort de Freddy Mercury en 1991 avec « Show must go on ». Quand j’ai entendu ça, j’ai halluciné et je me suis pris de passion pour ce groupe.
J’ai eu la chance de rencontrer à 15 ans un professeur dans mon lycée qui m’a beaucoup encouragé à faire de la musique, et parallèlement , j’ai commencé des cours de master class à Prague avec Florentino Calvo, mon professeur de mandoline et avec Alberto Ponce qui est un très grand guitariste.
Après mon BAC général, je suis allé en musicologie mais ce n’était pas pour moi, la musique j’ai besoin de la faire pas d’en parler. Je suis rentré au conservatoire d’Argenteuil en banlieue parisienne où j’ai obtenu mon 1er prix en 3 ans.
J’ai fait mon perfectionnement avec Ugo Orlandi en Italie, spécialiste de la musique ancienne, où j’ai pu obtenir y mon diplôme d’état. L’année suivante j’ai intégré la classe de musique de chambre d’Alberto Ponce à l’école normale de musique de Paris. Ensuite, je suis allé à Marseille où j’ai étudié la composition au conservatoire.
On peut voir à votre parcours que vous voulez être le plus complet musicalement
C’est vrai ! La mandoline étant un instrument peu courant, j’ai d’abord commencé par l’enseigner. Pour la composition je fais ça depuis toujours, c’est un besoin pour moi.
Toutes ces rencontres ont dû cultiver votre goût pour la musique, et donc votre curiosité pour tous les domaines possibles. Vous qui avez beaucoup composé d’œuvres modernes, est-ce que le répertoire ancien vous séduit toujours ou est-ce que c’était seulement lorsque vous étiez plus jeune ?
Non, je suis contre l’idée qu’il y a des musiciens baroques et des musiciens modernes. Un musicien est un musicien, il doit pouvoir défendre tout type de musique. Personnellement, je suis un spécialiste de la musique dans son ensemble. C’est-à-dire respecter le langage et l’esthétique propre à la musique, c’est l’esprit qui compte plus que la lettre.
Est-ce que vous enseignez vos compositions à vos élèves ?
Oui ça arrive, même si je ne tiens pas spécialement à le faire, cela m’est demandé de plus en plus souvent. J’écris aussi des œuvres pédagogiques. Par exemple, en ce moment, je travaille beaucoup dans les quartiers défavorisés de Marseille où l’on crée des antennes, pour pouvoir rendre accessible la musique à des enfants qui n’en ont pas forcément l’accès. C’est primordial de donner l’accès à culture pour tous car ce qui compte réellement, c’est la matière grise, l’intelligence commune. On se rend compte que, actuellement, il y a une chute de l’intelligence commune terrible. Alors que si on enseigne dès le début la beauté d’un son, d’un geste … Je crois beaucoup à ça, donc je m’investis beaucoup là-dedans.
Quels sont vos projets à venir ?
Dans l’immédiat, je joue Vivaldi à la Criée (Marseille) et en même temps je suis programmé à la société de musique de chambre avec clavecin, donc c’est un mois de janvier musique ancienne.
J’ai aussi des concerts en Belgique, en espérant qu’ils soient maintenus. Et à la fin du mois, je retrouve mon ami et chanteur Féloche, qui a beaucoup de talent, et avec qui j’ai signé son dernier album.
Vous participez au Festival 1001 notes cette année avec Dooz Kawa, est ce que vous pouvez m’en dire plus ?
On s’est parlé pour la première fois en 2013, j’étais en tournée en Biélorussie, et je reçois un appel d’un rappeur, Dooz Kawa, qui me dit qu’il aimerait bien que je vienne poser sur son album. Ma première réaction a été de dire : « je crois que vous vous êtes trompé de numéro, moi je fais de la mandoline. » Et bien non, il était véritablement intéressé par la mandoline. Je l’ai invité à un festival de mandoline, pour qu’il ne se trompe pas sur la marchandise. Comme il a fait l’effort de venir, je me suis dit que j’allais poser sur son album. La première chanson que l’on a faite, c’est une chanson qui s’appelle « me faire la belle ».
Aujourd’hui c’est son plus grand succès, pourtant on l’a faite en 15 minutes. On est devenu très ami, au début je ne jouais que dans ses albums, mais, progressivement, il a commencé à faire des scènes de plus en plus grosses où j’ai pu participer sur scène. La prochaine étape, c’est que je suis en train de lui écrire un album orchestré. Un album qui va mélanger le rap avec le baroque. C’est la première fois que l’on va essayer ça sur scène avec le Festival 1001 notes, donc on est très excité. Dooz Kawa, c’est aussi quelqu’un qui a beaucoup d’intuitions. Avant moi, ce n’était pas la première fois qu’il faisait appel à un musicien classique (virtuose) pour enrichir son album et son univers.
Vincent Beer-Demander en concert le 29 juillet 2022 avec Dooz Kawa, plus d‘infos ici
Propos recueilli par Thomas Lecrohart