Découvrez l’intégrale des oeuvres pour piano de Jean Catoire interprétées par Nicolas Horvath, en huit volumes.
Dans la première façon de composer de Jean Catoire, ses alternances fréquentes d’accords majeurs et mineurs sur une unique note créent
une sensation de ne « jamais atterrir dans une touche/un mode », ce qui donne l’impression d’une tonalité en apesanteur. Cet effet peut sembler simple, mais le résultat obtenu est extrêmement puissant. Je remercie Max Richter qui m’a permis d’observer et de comprendre cette contradiction
tonale : le mouvement harmonique suivant le cercle des quintes permet de défier et rend impossible à localiser une tonalité de départ et une tonalité
ou un mode autour duquel la pièce musicale pourrait graviter. Dans un sens, on pourrait dire que c’est l’essence même de l’atonalité ! Comme une non-tonalité fonctionnelle qui, en même temps, reste harmonieuse. Cette approche qui résulte de ce mouvement circulaire, permet à Jean Catoire d’explorer toutes les formes innombrables du contrepoint. Voici un exemple de cette « progression » harmonique en apesanteur : Do majeur, Do mineur, La bémol majeur, La bémol mineur, Mi majeur, Mi mineur, Do majeur. Chaque accord parfait de chaque tonalité possède deux notes communes avec l’accord parfait de la tonalité précédente, mais le compositeur prend plaisir à dissoudre toutes les pistes qui permettraient d’identifier un quelconque style compositionnel.
Dans ses compositeurs postérieurs, et suivant une prémonition, Jean Catoire va bien plus loin dans le dépouillement musical en n’utilisant que 3 hauteurs de sons (par exemple Do, Fa et Sol). Malgré cette contrainte immense, Jean Catoire utilise toutes les ressources contrapuntiques imaginables (reversement/ miroir/permutations, expansion/ compression…). Les 592 œuvres représentent une exploration immense de tous les principes développés par le compositeur. Il met un point d’honneur à continuer à développer et à éprouver ses découvertes. Chaque œuvre devient l’évolution de la précédente. Nous espérons que d’autres musiciens prendront le relais et nous permettront de découvrir la beauté des autres œuvres de Jean Catoire (ses nombreux concertos, symphonies, œuvres pour orgue…) nous permettant ainsi d’appréhender la beauté et l’immensité cosmique de l’œuvre de Jean Catoire.
Grâce à Nicolas Horvath, le public peut dors et déjà s’immerger dans la totalité des pièces pour piano solo, dans cet univers sonore unique.
III1⁄2 . UNE RÉPONSE POÉTIQUE
L’ Immobilité profonde du détachement transcendantal, comme si l’on se trouvait au milieu du vide intersidéral. La révélation de la richesse et de la beauté pure du son lui-même, de ses propriétés acoustiques et harmoniques… Les structures de pièces vues « du dessus » sont des conceptions complexes très élaborées avec des phases distinctes menant d’une texture structurelle à des textures très contrastées. Cela permet, d’une manière très puissante, à l’interprète et à l’auditeur de prendre conscience du processus du son lui-même.
IV ASPECTS MÉTAPHYSIQUES
La musique de Jean Catoire peut être décrite comme une architecture sacrée et universelle de tons géométriques. Ces relations architecturales ont
toutes, dans un premier temps, été exprimées sous la forme de motifs linéaires, de lettres et de nombres. Ces motifs tonaux vont au-delà de ce que l’on considère habituellement comme de la musique en ce sens qu’il n’y a pas d’émotions humaines à partager avec le public. Ainsi, ces formes peuvent être intuitivement(et non pas rationnellement) perçues. Pour pouvoir projeter cette musique, l’interprète doit partir de la connaissance de son lui intérieur. Et c’est en atteignant un état méditatif transcendantal que les œuvres de Catoire peuvent prendre la forme de phénomène sonore.
Jean Catoire vous embarque dans un voyage cosmique, vers les archétypes à la base des grands compositeurs. Ces archétypes sont le plus souvent obscurcis par les personnalités/styles de ces compositeurs. La musique de Catoire est épurée et permet d’entrevoir l’origine même du son. Si l’auditeur garde l’esprit ouvert et lâche prise, il pourra être entraîné dans les mondes sonores de Catoire et pourra rentrer en contact avec son inconscient.
Catoire se démarque de toute école, catalogage ou genre.
Sa musique représente, à travers des tons simples, des intervalles et des triades et à travers une pulsation intérieure lente et régulière, une contemplation de l’éternité. Jean Catoire est une figure unique de la musique du XXe siècle. Composant
dans l’isolation la plus totale et sans reconnaissance pendant la majeure partie de sa vie créative, il a produit un nombre prodigieux d’œuvres qui peuvent, au mieux, être qualifiées de minimalistes. Lorsque Catoire déclare qu’il n’est que le transcripteur de ce qu’il « voit » ;il permet à l’auditeur – en annihilant le filtre que pourrait être sa propre personnalité – la possibilité de le ressentir le plus fidèlement ses visions.
Tiré de la correspondance avec le compositeur :
« Maintenant, à propos de la musique de Catoire. Tout d’abord je m’excuse de parler de moi mais de temps en temps c’est nécessaire. Puis-je dire une seulechose qui expliquerait le tout : je n’ai jamais voulu composer, j’ai voulu transcrire au moyen de notes ce que j’ai vu. Je sais que beaucoup sont de bien
meilleurs compositeurs que moi, mais mon objectif n’était pas le même que le leur, mais était d’écrire des sons incantatoires qui pourraient AGIR sur l’auditeur. Le problème n’est pas de savoir si j’ai réussi ou non ;c’est simplement le fait que mon ancienne musique n’était pas de la vraie musique
– ni une incantation – mais simplement un essai maladroit de ce que j’ai pu écrire plus tard. »
Pour permettre aux auditeurs de partager ces expériences méditatives, Jean Catoire est allé puiser des espaces musicaux dans ce qui semble venir
d’autres dimensions. Et c’est grâce à l’utilisation de motifs répétitifs et des indications de tempi très lentes que le compositeur nous donne l’impression de pénétrer un espace intersidéral au-delà du champ de la conscience. La musique de Catoire n’a pas été composée en cherchant à s’adapter aux particularités techniques des instruments et des voix. Catoire ne recherchait qu’une chose, être au plus proche d’un idéal musical,
une musique pure et absolue.
On pourrait presque dire que l’indication de l’instrumentation n’est pas nécessaire pour « jouer » sa musique.
Dans toute l’histoire de la musique, c’est bien l’œuvre de Catoire qui mériterait le plus d’être décrite comme « archétypale ». En effet, l’essence
même des structures de sa musique est composée de formes géométriques sacrée qui se déploient musicalement grâce aux permutations de ses matériaux de base. Cette structure se retrouve dans toutes les œuvres de Catoire, que ce soit dans les œuvres librement chromatiques ainsi que dans celles se concentrant sur des permutations de deux tons. La pensée musicale de Catoire est essentiellement Pythagoricienne :
la mise à nu d’un son musical pur, qui ne se laisse pas altérer par le souci superficiel du langage des mots et les rythmes de la parole. Cette « musique des sphères » est illuminée uniquement par l’essence même du phénomène sonore : son rayonnement (sa résonance) et la pulsation.
Texte écrit par Lawrence Ball et traduit en français pas Nicolas Horvath.
Jean Catoire vous intéresse ? Lisez notre article sur La Musique pour Piano de Jean Catoire enregistrer par Nicolas Horvath !
Mais aussi, MON EXPLORATION DE LA MUSIQUE DE JEAN CATOIRE (PAR NICOLAS HORVATH)